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Antoine Frey (Frey) - Nathalie Robin (BNP Paribas Cardif)

« Les centres commerciaux ne peuvent se développer sans être en interaction avec leur environnement »

La crise sanitaire les a secoués, mais ils sont toujours là, au contact des consommateurs. Les centres commerciaux travaillent depuis à retrouver leurs repères d’avant 2020, mais ils n’ont pas renoncé pour autant à avancer sur leurs transformations, afin de mieux répondre aux attentes de leurs clients. Les sujets sont nombreux et peuvent dépendre de l’histoire, de la taille, de la nature… de chaque acteur, de ses relations avec ses enseignes locataires et avec ses actionnaires.

En partenariat avec Mapic

Nathalie Robin et Antoine Frey © @dr

Le Mapic, miroir de l’immobilier de commerce depuis 27 ans, et rendez-vous incontournable de l'immobilier commercial, en a sélectionné quatre dans cette série d’interviews croisées d’avant salon, donnant la parole à des promoteurs, bailleurs et investisseurs. La première, c’est la thématique du Mapic 2022, qui se tiendra du mardi 29 novembre au jeudi 1er décembre au Palais des festivals de Cannes : People, Planet, Profit : navigating retail towards a more “human” world (« conduire le commerce vers un monde plus humain »). Autrement dit, les concepts durables. Le deuxième, le mix-used, fait référence à la multiplicité des usages, le commerce se mariant davantage, désormais, au bureau, au logement, etc., comme un morceau de ville. Ensuite, l’innovation au service de la transformation du commerce, notamment celle liée à l’intégration du digital aux espaces physiques. Enfin, cet état des lieux abordera le sujet des loisirs qui ont fait, depuis quelques années, une entrée en force dans les centres commerciaux pour les transformer en destinations shopping où les clients peuvent vivre une véritable expérience. Parole aux acteurs.

Business Immo : Frey se définit comme une foncière responsable. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Antoine Frey : Concrètement, nous n’allons pas sauver le monde mais via nos concepts (pionniers des retail parks écologiques et inventeurs d’une nouvelle génération de centres commerciaux de plein air), nos modes de construction (intégration du bois, investissement dans la filière bois française via notre groupement forestier FoREY) et nos modalités d’exploitation de nos sites (bail responsable…), nous nous impliquons au quotidien pour une société plus responsable, respectueuse de l’environnement et socialement bénéfique à son écosystème. Forte de son statut d’entreprise à mission, certifiée B Corp™, avec sa raison d’être qui est de remettre le commerce au service de l’intérêt collectif, Frey affirme sa conviction que l’utilité du commerce dépasse largement celle de la simple transaction marchande et participe à la mixité urbaine, au lien social et à la résilience économique locale et à la transition environnementale. Nos centres commerciaux sont avant tout des centres d’intérêts collectifs, vivants, conviviaux et responsables.

BI : Comment s’intègre le développement responsable/durable dans la politique d’allocation d’actifs de Cardif en immobilier de commerce? Quels critères retenez-vous?

Nathalie Robin : Concernant l’aspect environnemental des actifs en gestion, nous nous attachons à la réduction des consommations énergétiques et à la certification « In use ». La consommation de l’eau et le traitement des déchets sont plus particulièrement observés sur les centres commerciaux. Au niveau social, nous encourageons les opérateurs à veiller à la bonne inclusion des centres dans les territoires. L’architecture n’est pas directement incluse dans les critères ESG, mais pour nous, ce point est majeur. Une génération de retail park doit se réinventer afin d’offrir une architecture de qualité et un urbanisme pacifié. Le concept Shopping Promenade de Frey répond à notre préoccupation et à celle des clients.

BI : Quels sont les avantages concurrentiels à de tels engagements environnementaux ?

AF : En 2010 déjà, Frey était la première société immobilière à livrer un lieu de commerce certifié HQE. Cette trajectoire responsable fait partie de l’ADN du Groupe. Nous mettions en place énormément d’actions sans que l’ensemble soit structuré dans une démarche clairement formulée. La loi Pacte nous a donné un outil idéal pour le faire. Nous avons décidé de mettre cette stratégie RSE au cœur de notre stratégie globale en devenant «entreprise à mission» et en passant la très exigeante certification B Corp™. Ce virage est certainement le meilleur investissement que nous avons fait pour l’intérêt de l’entreprise. C’est la perspective d’associer des bénéfices financiers à des bénéfices humains. C’est aussi une formidable opportunité d’embarquer notre écosystème dans une dynamique vertueuse. Enfin, c’est un atout non négligeable pour attirer les nouveaux talents qui choisissent leur future entreprise en fonction de son engagement. 

BI : Toutes les foncières de commerce peuvent-elles s’engager dans cette voie ? 

AF : Il faut évidemment qu’une entreprise reste une source de profits. Néanmoins, la performance purement financière n’est plus suffisante pour motiver les équipes et répondre aux attentes de la société. Il est donc indispensable de réunir les femmes et les hommes autour d’objectifs plus ambitieux. Dans un avenir très proche, la question ne sera plus de savoir s’il y avait un intérêt à agir. L'immobilier n’a certainement pas été l’industrie qui a pris le plus de risques, mais il n’est jamais trop tard. Les foncières peuvent et doivent opérer ce virage. Si elles ne le font pas, la sanction morale sera à terme beaucoup plus importante que la sanction financière. Le risque n’est donc pas de prendre ce virage stratégique, mais de ne pas le faire. Il ne faut pas chercher à être populaire mais bien à être juste pour faire progresser l’impact positif de notre activité.

BI : Quels sont les intérêts pour un investisseur à se positionner sur des actifs de commerce « plus verts »? Y a t-il une différence de prix à l’entrée, dans le rendement?  

NB : Il est très important pour un investisseur de se positionner sur un centre commercial dont la trajectoire d’alignement avec le décret tertiaire est déjà tracée. Le rendement à l’acquisition doit tenir compte des capex qui devront être réalisés. Globalement, nous constatons que les grands opérateurs ont des objectifs ambitieux de réduction des consommations énergétiques et des gaz à effet de serre. L’investisseur intègre également une politique rigoureuse de traitement des déchets et de consommation d’eau. Toutefois, pour une grande partie des centres commerciaux, un des sujets majeurs est l’empreinte carbone. Les clients venant principalement en voiture, il est très difficile de diminuer la part essentielle de cette empreinte. Frey a particulièrement travaillé ce sujet en cherchant à contribuer à la progression de la filière bois en France. 

BI : Où en sont les foncières et promoteurs de commerces dans ce domaine, en France et à l'étranger? Quelles sont les limites?

NB : Globalement, il me semble qu’il y a une prise de conscience sur la nécessité de réduire l’artificialisation des sols. La priorité est de transformer certains vieux sites commerciaux existants afin d’offrir une architecture et un urbanisme de qualité. La transformation peut être plus radicale en introduisant davantage de mixité dans la typologie des actifs, avec le résidentiel par exemple. Les opérateurs ont maintenant beaucoup plus conscience que leurs centres ne peuvent se développer sans être en interaction avec leur environnement. La volonté de Frey d’être une société à mission illustre pleinement ce souhait d’être utile à la société.


Le Mapic 2022 proposera une série de conférences sur le thème du développement durable dans tous les secteurs de l’industrie ainsi qu'un atelier exclusif qui donnera à ses participants la possibilité d’échanger avec des experts du sujet. Toutes ces initiatives visent à analyser et donner des exemples concrets sur la manière d’assurer la durabilité à long terme d'un actif existant ou nouveau. Ainsi, Antoine Frey s’exprimera lors d’une de ces sessions pour expliquer ce que signifie concrètement l’engagement de sa société comme société à mission.

Pour plus d’information, découvrez le programme sur www.mapic.com

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