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Jacques Ehrmann (Altarea) - Marco Balducci (Nhood)

« Accompagner les évolutions de la ville et le développement de la mixité des usages est dans nos ADN »

Le Mapic, miroir de l’immobilier de commerce depuis 27 ans, et rendez-vous incontournable de l'immobilier commercial, a sélectionné quatre thèmes dans cette série d’interviews croisées d’avant salon, donnant la parole à des promoteurs, bailleurs et investisseurs. Après un premier volet sur les concepts durables, avec un échange entre Antoine Frey (Frey) et Nathalie Robin (BNP Paribas Cardif), voici le deuxième sur le mix-used, en référence à la multiplicité des usages, le commerce se mariant davantage, désormais, au bureau, au logement, etc., comme un morceau de ville.

En partenariat avec Mapic

Jacques Ehrmann et Marco Balducci © @dr

Business Immo : Comment envisagez-vous le rapprochement du commerce avec le bureau, le logement et d’autres fonctions de la ville ?

Jacques Ehrmann : Accompagner les évolutions de la ville et le développement de la mixité des usages est dans l’ADN d’Altarea. D’une foncière de commerce, nous sommes devenus un acteur de la transformation urbaine en intégrant des marques et des savoir-faire en matière de logement, d’immobilier d’entreprise, qu’aujourd’hui nous étendons aux écoles, à la logistique, et plus globalement à toutes les solutions en matière de décarbonation. Nous embarquons toutes les compétences pour créer des quartiers, des morceaux de ville. Nous avons livré notre première grande opération mixte en 2017 avec Massy Place du Grand Ouest. Une belle réussite. Aujourd’hui, nous en avons une quinzaine en développement sur l’ensemble du territoire français, qui sont toutes des traductions concrètes de la ville du quart d’heure. Nous avons clairement un temps d’avance avec notre capacité à gérer la complexité de ces projets, tout en créant de beaux quartiers où il fait bon vivre.

Marco Balducci : La mixité d’usages et de fonctions est au cœur de la proposition de Nhood qui a vocation à créer des lieux en mieux, c'est-à-dire avec un triple impact positif. Cette approche globale et holistique trouve son incarnation dans les trous piliers qui guident notre action : People, Planet, Profit. Pour nous, l’avenir du retail, c’est le lieu de vie, le quartier, la mixité de proximité inspirée de la ville du quart d’heure. C’est réinventer la « place de marché » dans la vie urbaine, l’équilibre grâce à la mixité de commerces, services, entertainment (restauration, loisirs, culture) pour (re)créer le lien social qui fait la ville. Notre ambition est de créer des lieux de vie à hauteur de quartier où ces fonctions se complètent, tout en ayant un triple impact positif. Le modèle de la ville multifonctionnelle inspire notre vision : celle d’une ville où l’on accède rapidement aux services essentiels de la vie. La transition écologique est un défi pour lequel nous trouvons des solutions de renaturation des espaces, de trame urbaine qui favorise la connexion aux modes de mobilité collectifs et doux. Le quartier incarne cette mixité : on y vit, on y travaille, on s'y divertit, on s'y déplace grâce à une plus grande accessibilité aux transports collectifs. L’intérêt premier et essentiel pour nous est socio-économique. Nous souhaitons à la fois favoriser le déploiement économique, tout en dynamisant le tissu local et en incitant à l’inclusion sociale.

BI : Un modèle que Nhood déploie dans la métropole lilloise ?

MB : Le quartier de La Maillerie est à l'image de cette nouvelle offre de services avec l'accès à une école, une crèche et une maison médicale. Le quartier Quai 22, qui devrait voir ses premiers habitants arriver en 2023, est situé au bord de la Deûle, à Saint-André-lez-Lille. Nous avons imaginé un quartier qui puisse concilier ville et nature en regroupant une offre habitat et commerce mixte, urbaine et « éco-pensée », s’adressant aux familles, aux visiteurs et aux actifs. Ce projet intègre 700 logements - répartis sur 15 000 m2 comprenant logements spéciaux ou résidences gérées pour seniors, jeunes, personnes en situation de handicap – 9 500 m2 de commerces (services de proximité, restaurants, activités et loisirs) et 10 000 m2 de bureaux.

BI : Depuis Massy, Altarea a lancé Bobigny, Issy-les-Moulineaux, Bezons et travaille ailleurs avec le groupe Carrefour. Quels points communs et quelles différences entre ces projets ?

JE : Je vois trois points communs majeurs entre Bobigny, Issy-les-Moulineaux, et Bezons : mixité, centralité et réduction de l’empreinte carbone. Ces projets sont tous des quartiers denses en matière d’usage du foncier, ce qui permet de lutter contre le phénomène d’étalement urbain. La mixité des usages et la qualité du cadre de vie qu’ils offrent rendent cette densité harmonieuse, agréable à vivre : c’est ce que j’appelle l’intensité heureuse. Ces trois projets ont aussi en commun de se situer en centre-ville, à proximité des transports publics et de contribuer à la redynamisation d’espaces jusqu’alors peu animés. Mixité et centralité contribuent directement à la réduction de l’empreinte carbone. À Issy Cœur de Ville, la mise en place d’un système géothermique innovant permet en outre de réduire de 36 % les émissions de CO2 du quartier, avec 70 % d’énergie renouvelable. À Nantes et Sartrouville, où nous développons des projets en partenariat avec Carrefour, l’objectif est là aussi d’apporter de la mixité dans des zones qui étaient historiquement mono-usage, dédiées au commerce. Réfléchir à l’échelle du quartier me semble la bonne réponse aux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux de la ville d’aujourd’hui.

BI : Sur quel modèle économique repose une opération mixed-use pour être rentable ?

JE : Avant, on construisait un quartier autour du commerce et du bureau qui constituaient les deux principaux leviers économiques. Aujourd’hui, c’est le logement qui prend le relais. Il répond à un besoin essentiel avec un déficit structurel de logements, là où les Français veulent vivre. Quand on travaille sur de grands projets de transformation, type hypermarché ou site industriel, ce sont souvent entre 1 000 et 2 000 logements que l’on doit construire dans une programmation mixte. Mais nous savons également travailler sur des sites de taille moyenne avec quelques centaines de logements tout en intégrant des commerces en pieds d’immeuble ou des espaces verts partagés. Évidemment, tout cela n’est possible qu’avec un alignement parfait avec les élus… de la patience, de la ténacité pour y arriver et des convictions fortes sur la qualité de vie des futurs résidents.

MB : La rentabilité d’une opération mixte au sein de nos centres commerciaux et de nos projets mixtes repose avant tout sur la définition de la programmation de cette mixité d’activités, en amont et à l’échelle du site. La réussite de la programmation immobilière d’une opération mixte est liée à l’équilibre « People Planet Profit » qui doit être pris en compte sans compromis.

La thématique de l’usage mixte des espaces mêlant bureaux, coworking, loisirs, restauration, santé, bien-être et, naturellement, des commerces sera un sujet central du programme de conférences du Mapic 2022. Il sera illustré notamment par une session organisée en partenariat avec ULI et qui examinera les projets mixtes sous le prisme du développement durable. Très lié au développement urbain, ce sujet sera également abordé lors d’un atelier exclusif intitulé « Réinventons le commerce dans la ville» organisé en partenariat avec la RICS le 29 novembre.

Pour plus d’informations, découvrez le programme sur www.mapic.com

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