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Adrien Charpentier, ECA2 - Maurin Nadal, SCC France/Belgique

« Commerces et loisirs se marient en tout point »

La crise sanitaire les a secoués, mais ils sont toujours là, au contact des consommateurs. Les centres commerciaux travaillent, depuis, à retrouver leurs repères d’avant 2020, mais ils n’ont pas renoncé pour autant à avancer sur leurs transformations afin de mieux répondre aux attentes de leurs clients. Les sujets sont nombreux et peuvent dépendre de l’histoire, de la taille, de la nature… de chaque acteur, de ses relations avec ses enseignes locataires et avec ses actionnaires. Le Mapic, miroir de l’immobilier de commerce depuis 27 ans et rendez-vous incontournable de l'immobilier commercial, a sélectionné quatre thèmes dans cette série d’interviews croisées d’avant salon, donnant la parole à des promoteurs, bailleurs, investisseurs et opérateurs. Après un premier volet sur les concepts durables, avec un échange entre Antoine Frey (Frey) et Nathalie Robin (BNP Paribas Cardif), un deuxième sur le mix-used, sur lequel Jacques Ehrmann (Altarea) et Marco Balducci (Nhood) ont donné leurs visions, voici le 3e épisode sur les loisirs. Adrien Charpentier (ECA2) et Maurin Nadal (SCC) nous éclairent sur cette tendance qui voit les loisirs cohabiter de plus en plus avec les commerces.

En partenariat avec Mapic

Adrien Charpentier (Eca2) et Maurin Nadal (SCC France/Belgique) © @dr

Business Immo : Quels intérêts y a-t-il pour un bailleur/investisseur/gestionnaire d’implanter des loisirs dans un actif commercial ?

Adrien Charpentier : Le dénominateur commun est la valeur portée par le consommateur à son acte d’achat. Il est devenu résolument expérientiel, et les marques travaillent à le dynamiser pour proposer du « retailtainment ». La locomotive alimentaire et les marques franchisées ne suffisent plus à garantir l’attractivité d’un actif. Le loisir accompagne ce nouveau modèle, offre une nouvelle expérience au visiteur, fidélise la clientèle, en attire une nouvelle, se différencie des compétiteurs et crée de l’emploi.

Maurin Nadal : Nous sommes convaincus que les lieux de commerce doivent devenir de véritables destinations. Aujourd’hui, c’est l’expérience qui attire les consommateurs. Elle doit être complète et inédite. Nous nous attachons donc à créer cette nouvelle typologie de lieux, nos « Next Destinations », et le loisir en est une composante indispensable. On modifie le paradigme de la consommation en transformant le temps subi en temps choisi. Avoir accès à des activités variées, innovantes, accessibles facilement pour tous, voilà ce qu’attendent nos clients et ce qui permet à nos sites de conserver une forte attractivité. C’est tout l’enjeu du projet Spot, à Évry 2, né d’un partenariat public-privé, et qui réunira pour la première fois sur 126 000 m² des infrastructures publiques rénovées (piscine, patinoire, théâtre, médiathèque, etc.), des activités de loisirs, de sport et de santé, des services facilitateurs du quotidien, une offre retail repensée, ainsi qu’un nouvel espace de restauration de 10 000 m², ouvert sur l’extérieur.

BI : Commerces et loisirs font-ils bon ménage ? À quelles conditions ?

MN : Nous faisons en sorte de localiser ces zones loisirs le plus souvent à proximité des offres de restauration, pour faciliter le parcours (notamment en soirée), en intérieur et/ou en extérieur. Nous cherchons toujours, pour le loisir comme pour le retail, à déployer les concepts sur leurs formats les plus aboutis.

AC : Commerces et loisirs se marient en tout point. C’est une plus-value prouvée sur la fréquentation, la durée de séjour, les retours et l’accessibilité. L’univers du retail est un formidable vecteur pour le loisir. Il s’agit toutefois de trouver l’équilibre entre la valeur ajoutée d’une expérience et son intégration sur site. Le loisir doit être au service de l’actif et s’intégrer à l’offre existante. Si l’offre de loisirs est constituée de technologies intégrées à l’architecture, alors il est primordial de penser son intégration dès l’origine pour optimiser son esthétique, ses fonctionnalités et l’investissement initial. Elle permet aussi plus de flexibilité avec la possibilité de fonctionner sur un modèle « multi-usage ». Elle permet enfin la viabilité dans le temps, la modularité et la rationalisation des besoins qui sont des éléments fondamentaux et qui s’intègrent dans la politique de durabilité que nous pratiquons depuis l’origine.

BI : Faut-il créer un pôle de loisirs ou se concentrer sur une seule « attraction » ?

AC : Cela dépend principalement du modèle : payant ou gratuit ? Un family entertainment center (escalade, jeux vidéo, etc.), une attraction signature qui permettrait un rayonnement de l’actif hors de ses murs ou encore des salles immersives dans le parcours du client, chacune de ces offres permet une rentabilité presque équivalente en fonction du modèle. C’est d’abord une question de marketing.

BI : Quelles sont les erreurs à ne pas faire ?

AC : De ne pas considérer, dès le départ, ce volet loisir comme part intégrante de l’offre et de l’expérience visiteur. Il est fondamental que l’existence et la visibilité d’une expérience ne soient pas écrasées par l’offre commerciale. Inversement, il ne faut pas que l’expérience écrase son environnement. Tout est affaire d’équilibre. 

MN : L’important est que le loisir vienne renforcer une offre complète. Nous avons vu au travers de certains projets que le pari d’en faire une offre unique n’était pas toujours une option pérenne. C’est cet ensemble d’offres et la qualité des concepts qui permettent aujourd’hui de pérenniser les actifs et de créer les Next Destinations. 

BI : Quels sont les niveaux de loyers que les loisirs peuvent payer ?

MN : Ils sont toujours inférieurs à ceux du retail classique, mais l’implantation du loisir n’a pas pour seule fonction de venir remplir une coque vide dans un centre commercial. Il permet de travailler la destination. On fait venir de plus loin, plus de monde, à toute heure. Son implantation implique souvent une requalification des espaces commerciaux. Les choix d’implantations ne se font donc pas uniquement en fonction du niveau de loyer, mais en prenant en compte le projet global, la cohérence avec le positionnement du site et la qualité des concepts de loisirs. Faire d’un site une Next Destinations a pour conséquence de créer de la valeur pour tous les acteurs de l’actif, car il garantit des flux, une visibilité et de l’activité. 

AC : Toutes les enveloppes existent. En fonction de l’actif et de sa clientèle, l’investissement dans un restaurant haut de gamme pourrait être bien supérieur à celui d’un loisir pour une retombée équivalente en matière de fréquentation et de rentabilité. Il doit être pensé sur mesure. Il n’existe pas de modèle préétabli, le retour sur investissement est garanti si tant est qu’il ait été pensé spécifiquement pour le lieu et la cible. Petit ou gros, c’est un investissement qui peut s’inscrire à court ou long terme afin de rationaliser la dépense. 

BI : Les opérateurs de loisirs sont-ils faciles à trouver pour un bailleur ? Faut-il sélectionner un généraliste ou un spécialiste ? 

MN : Ces acteurs sont de plus en plus nombreux. Il faut étudier les projets au cas par cas, en prenant en compte toutes les contraintes d’un actif, de son environnement et les attentes de son public : on ne mettra pas en place les mêmes projets sur un centre commercial régional ou sur un centre situé en centre-ville historique. Au-delà de ces acteurs, nous essayons d’inclure la ville dans nos réflexions. Les centres commerciaux ont un temps pensé leur programmation en parallèle de ce qui était fait par les villes. Aujourd’hui, nous souhaitons faire des centres commerciaux des acteurs intégrés parfaitement à leur territoire. Les offres de loisirs des municipalités peuvent s’inscrire dans la programmation des centres commerciaux et les animations des centres commerciaux peuvent intégrer les calendriers des villes.

BI : ECA2 ne travaille pas qu’en France. Voyez-vous des différences d’approche dans les loisirs entre l’Europe et le reste du monde ? 

AC : Le niveau d’investissement reste une différenciation clé. C’est une notion de prise de risque qui est gérée différemment selon les régions du monde. S’ajoute aussi l’exercice d’approche au flux : l’objectif peut être économique, redonner du souffle, faire revenir les clients dans des centres commerciaux, ou bien politique, avec un objectif de redynamisation à l’échelle locale et régionale.

SCC et ECA2 seront tous deux présents au Mapic en novembre prochain. Sous la bannière LeisurUp, l’événement du secteur du loisir intégré au Mapic, des centaines de concepts de loisirs façonnant le futur du secteur et figurant parmi les plus innovants seront présents à Cannes. LeisurUp proposera un programme complet de conférences ainsi qu’un espace de 3 000 m2 présentant plus de 50 exposants et 200 opérateurs de loisirs. Rassemblant au sein d’un même espace opérateurs de loisirs, foncières, collectivités locales et enseignes, le Mapic 2022 constitue une opportunité incontournable pour tous les acteurs du commerce de mieux appréhender le potentiel du retailtainment.

Pour plus d’informations, découvrez le programme sur www.mapic.com

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