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Fracture urbaine

Porte de Montreuil © Lautreimage / Playtime

« À chaque séance du Conseil de Paris, je perds une année d’espérance de vie. » Ce cri du cœur d’un élu parisien au terme d’une semaine de débats résume à lui seul le sacerdoce que représente la politique, mais aussi le fossé qui se creuse entre certains élus, au-delà des chapelles partisanes. Ici, à Paris, c’est l’urbanisme qui fracture les alliances.

La majorité parisienne s’est déchirée sur le projet de réaménagement de la porte de Montreuil. Un vœu des élus écologistes demandant une remise à plat du programme proposé par Nexity a été adopté grâce aux voix opportunes (ou opportunistes) de la droite parisienne et contre l’avis de la majorité socialiste et communiste de la mairie qui avait initié l’appel d’offres.

Derrière ce dossier, deux visions de la ville s’affrontent. L’une veut conserver une certaine dynamique de développement, parachevant le travail initié par l’ancien adjoint à l’urbanisme Jean-Louis Missika, troquant volontiers le vocable d’attractivité pour celui de résilience. L’autre, au nom de la crise climatique, se prétend « sobre » et illustre quelque part la tentation d’une certaine décroissance. L’une espère encore construire la ville, souvent sur elle-même. L’autre semble avoir définitivement renoncé à construire. Les premiers arrivés… seront donc les premiers servis.

Le résultat se traduit par une cacophonie dans l’aménagement urbain, frisant même la paralysie. Les grands projets aux abords du Périphérique tombent les uns après les autres. La mairie a dû céder sur les zones à aménager de Bercy-Charenton et de Bruneseau. Chaque nouvelle construction dans la capitale soulève une vague d’opposition à la hauteur de la taille du programme envisagé.

Il ne s’agit pas ici de prendre parti, mais quand même. La remise en question permanente des projets interroge sur la capacité des pouvoirs publics à respecter leurs engagements. Plus globalement, la difficulté persistante à obtenir les permis de construire traduit aussi une forme d’égoïsme qui devient incompréhensible, même intolérable, tant la demande reste prégnante.

Ne plus construire en ville, c’est fermer les frontières. On peut pousser des cris d’orfraie sur la flambée du mètre carré, mais quand on organise sciemment une politique malthusienne de l’offre, on participe mécaniquement à la hausse des prix.

C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Grégoire, premier adjoint à l’urbanisme de la Ville de Paris, va devoir préparer le PLU bioclimatique*. Il devra le construire certainement contre ses alliés de la dernière heure, mais aussi, et c’est son vœu, avec les professionnels de l’immobilier. Car dans la guerre de chapelle que se livrent nos édiles, on oublie souvent deux acteurs essentiels dans la fabrique de la ville : les citoyens (y compris ceux qui n’ont pas voté pour vous) et les professionnels qui la financent, la construisent et parfois la réparent.

En attendant, un tweet résume parfaitement la situation sur le projet de Nexity : « Pour les Montreuillois qui vivent cette porte de Montreuil comme une catastrophe urbaine, ce report du projet est désolant. » Il émane d’une Montreuilloise qui en connaît un rayon dans l’immobilier et le logement. Isabelle Rey, ancienne journaliste du Monde. Et, Isabelle, pour une fois, je suis d’accord avec toi !
 

*Businessimmo est partenaire du Pavillon de l'arsenal qui organise, le vendredi 21 octobre, une matinée professionnelle sur le PLU Bioclimatique avec la participation d'Emmanuel Grégoire. Pour vous inscrire, cliquez ici

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