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Les pastilles de la colère

© CoStar

Fin janvier va s’ouvrir officiellement le début des phases de concertation de la révision du PLU de Paris. Mais dès à présent, les grandes manœuvres s’accélèrent, en particulier avec les investisseurs institutionnels qui ont le « pastillage » de leurs immeubles en travers de la gorge.

C’est le facteur le plus clivant du projet de PLU bioclimatique porté par l’exécutif parisien. Emmanuel Grégoire, le 1er adjoint à l’urbanisme à la mairie de Paris, veut faire du PLU un outil pour améliorer la qualité de la vie en ville, conceptualisé dans les « externalités positives ». Au-delà de l’aspect environnemental, cette qualité passe aussi par l’accessibilité. Accessibilité au logement d’abord, dans une ville qui continue de perdre des habitants. Faute de pouvoir construire là où il n’y a plus de fonciers disponibles, faute de densifier alors que l’on compte plus de 20 000 habitants au km2, faute de vouloir étendre le périmètre de la capitale au niveau métropolitain, la majorité municipale ambitionne de réorienter la programmation des immeubles existants. D’où les fameuses pastilles.

En clair, l'inscription en emplacement réservé s'imposera au propriétaire de l'immeuble en cas de travaux de démolition/reconstruction ou de réhabilitation lourde. Évidemment, l’essentiel des pastilles se concentre sur les quartiers devenus monovalents, à l’exemple du QCA. « C’est une charge importante, qui frôle l’atteinte au Code de propriété », prévient Florence Chérel, avocate associée chez CMS Francis Lefebvre.

Elle interroge surtout sur la faisabilité financière, tant pour l’investisseur – très majoritairement institutionnel – que pour la mairie. Si le bilan d’une opération de construction ou de restructuration ne tourne plus aussi rondement dès lors qu’on lui ajoute un volet résidentiel, elle risque surtout de coûter cher au contribuable parisien. Car les propriétaires ne pouvant satisfaire aux desiderata du nouveau PLU pourront bénéficier d’un droit de délaissement qui oblige la municipalité à acheter le bien si aucun accord n’est intervenu. Le prix est fixé par le juge de l’expropriation sans tenir compte de son inscription en emplacement réservé. Autant dire, plein tarif dans le QCA pour peu que les valeurs vénales de France Domaine se rapprochent de celles des experts du marché.

La question est de savoir si la Ville de Paris aura les moyens financiers de ses ambitions politiques au regard de son endettement budgétaire et de la levée de boucliers qu’a occasionnée l’annonce d’une hausse de plus de 50 % de la taxe foncière. Assurément non. C’est pourquoi s’engagent des discussions entre l’exécutif parisien et les investisseurs institutionnels à l’échelle de chaque bâtiment. Une sorte de troc. Enlève-moi ma pastille ici, je te donne un immeuble là ! Pour les uns, nous sommes dans la concertation. Pour d’autres, davantage dans une forme de chantage.

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