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L’épargne de la peur

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Les Français sont davantage fourmis que cigales. Un pic d’épargne a été atteint au 1er semestre où 18,5 % du revenu des ménages n’est pas consommé. C’est même une exception en Europe : le taux d’épargne des Français dépasse de 2,6 % le sommet atteint en 2019, quand il recule de 0,7 % en moyenne pour le reste de la zone euro.

Dans une chronique publiée dans Les Échos, Denis Ferrand, le directeur général de Rexecode, constate que les ménages ont préservé leur pouvoir d’achat futur et l’explique en grande partie par le choix de l’exécutif d’avoir mis en place un bouclier tarifaire pour limiter les effets de la flambée des prix de l’énergie. Le FMI estime le coût budgétaire à plus de 4 points de PIB quand il n’aurait coûté que 0,7 point de PIB si ce bouclier n’avait ciblé que les ménages les plus modestes. S’y ajoute un réflexe très franco-français de se serrer la ceinture, les dépenses des Français étant inférieures d’un point à celles relevées en zone euro.

Cet excès de liquidités va-t-il se déverser dans l’immobilier ? Denis Ferrand n’en est pas convaincu. « Ce comportement ne paraît pas devoir se modifier tant les ménages continuent de voir dans la période actuelle un moment beaucoup plus propice à l'épargne qu'à la réalisation d'achats importants ou à l'investissement immobilier. » Bref, une épargne de la peur.

L’un des indicateurs à suivre pour mesurer l’attrait ou le rejet de l’investissement immobilier est celui de la collecte des SCPI. Leur collecte nette s’est effondrée de 50 % au 3e trimestre. Elle reste positive (+852 M€ selon les statistiques de l’Aspim), mais la dynamique est clairement cassée si l’on regarde le niveau de collecte des deux trimestres précédents (+1,7 Md€ au T2 et +2,4 Mds€ au T3).

Ce ralentissement violent de l’attractivité est sans grande surprise. Les ménages ne sont pas totalement stupides et ont bien compris que les prix de l’immobilier étaient sur une pente descendante. Tactiquement, il vaut parfois mieux attendre la bonne fenêtre de tir avant de s’engager. Certains investisseurs avisés préfèrent acheter au son du canon et vendre au son du violon. Croyez-moi, il y a plus d’un Monsieur ou Madame Michu qui nourrissent le même objectif.

Le vrai sujet d’inquiétude, surtout chez les sociétés de gestion de portefeuille, est celui d’une forme de « bank run » dans les SCPI, une ruée vers le guichet de sortie. Nous n’en sommes pas là. En tout cas pour les particuliers. Mais force est de constater que les ordres de rachat ont été multipliés par deux en l’espace d’un trimestre, avec 1,7 Md€ d’ordres de rachat au T3. Sur les neuf premiers mois de l’année, ce sont quelque 2,7 Mds€ de retraits qui ont été enregistrés, dont 1,2 Md€ sont encore en attente.

À la question de l’attractivité vient s’ajouter celle de la liquidité. Les Acavi, ces contrats d’assurance-vie investis en immobilier, n’ont pas résisté à la grande crise immobilière des années 1990. Les SCPI, oui. On dit que l’histoire ne se répète pas, mais elle bégaie.

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