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Christine Daric - Baker & McKenzie SCP

La pression fiscale en constante augmentation dans tous les pays !

A l’heure où l’Europe n’a toujours pas de politique fiscale commune, la compétition fiscale entre les États a changé. Finie la course à l’attractivité fiscale pour attirer investisseurs et capitaux ! La chasse aux niches et aux investisseurs étrangers qui échappent à l’impôt en structurant leurs investissements via des holdings de détention étrangères est ouverte! La lutte contre l’évasion de la masse imposable semble aujourd’hui être le fil conducteur des dernières réformes menées par les différents pays européens. La nécessité, pour la plupart des pays, d’assainir leurs finances et de réduire leurs déficits se traduit par un durcissement de la pression fiscale à tous les niveaux, et un arsenal plus agressif en termes de répression. L’immobilier est une proie fiscale facile. Il est, en effet, difficile de partir avec un immeuble sous le bras ! Voici un tour d’horizon des tendances observées fin 2011 en France et chez nos voisins européens et des modifications conventionnelles à attendre, avec un point sur la renégociation annoncée du traité entre la France et le Luxembourg.

Une pression fiscale accrue : L’immobilier, une proie facile mais des réactions hétérogènes entre les pays

Les pays européens les plus touchés par la crise financière et la récession qui s’en suit ont accusé une forte baisse des recettes fiscales. Parmi les pays qui ont durci leur politiques fiscales en Europe, on compte principalement la France, l’Italie, l’Allemagne, la Hongrie, la Grèce, l’Estonie et curieusement le Luxembourg.

Ainsi, l’Italie a introduit une taxe foncière sur les immeubles dont le taux varie en fonction des municipalités avec un taux de base de 0,76 % appliqué sur la valeur cadastrale de l’immeuble. Le taux de TVA passé de 20 % à 21 % en octobre 2011 passera à compter du 1er octobre 2012  de 21 % à 23 %, le taux réduit passant de 10 % à 12 %. C’est loin d’être neutre pour les opérateurs économiques, quand on sait à quel point il est difficile et long d’obtenir les remboursements de crédit de TVA suite à des travaux ou à l’acquisition d’un immeuble en Italie. En Grève, l’Etat a notamment décidé d’instaurer une taxe spéciale sur la propriété immobilière dont le taux varie en fonction de l’usage, de la taille et de la zone où se situe le bien immobilier.

La France n’est pas en reste avec la récente réforme de l’imposition des plus-values immobilières des particuliers, la modification de l’assiette du droit de 5 % lors de la cession de parts de sociétés à prépondérance immobilière, le durcissement des règles de sous-capitalisation, la limitation de la faculté d’imputation des déficits reportables au titre d’un exercice donné et le rabot régulier des niches fiscales.

Certains pays, en revanche, n’ont rien changé : il en est ainsi de la Belgique dont on attend depuis plusieurs années une réforme de la fiscalité immobilière. D’autres envisagent, au contraire, d’inciter l’investissement immobilier, notamment résidentiel. La Grande-Bretagne envisage ainsi de réformer son régime de REIT et a récemment lancé une consultation afin de faciliter l’accès au régime en réduisant son coût d’entrée et les conditions d’application.

Des renégociations de convention accélérées et l’environnement conventionnel du Luxembourg en évolution

La pression entre les Etat s’accroit. Renégocier d’anciennes conventions est un objectif prioritaire dans la plupart des pays à double titre : d’une part pour limiter la fuite de masse imposable liée à d’anciennes conventions, d’autre part pour faciliter l’échange d’informations et la coopération entre Etats. Même si la moitié n’est pas encore entrée en vigueur, plus de 490 nouvelles conventions fiscales ont été renégociées et signées. Dans les nouvelles conventions, le modèle OCDE concernant les plus-values immobilières est généralement repris. Ce modèle prévoit que les gains qu’un résident d’un État contractant tire de l’aliénation de biens immobiliers situés dans l’autre État contractant, ou de l’aliénation d’actions qui tirent directement ou indirectement plus de 50 % de leur valeur de biens immobiliers situés dans cet autre État contractant, sont imposables dans cet autre État. L’insertion de cette clause dans les nouvelles conventions permet aux Etats d’imposer les plus-values résultant de la cession d’immeubles ou de parts de société à prépondérance immobilière détenues par des holdings situées à l’étranger. Certaines conventions anciennes ne sont pas conformes à ce modèle OCDE et permettent d’attribuer le droit d’imposer les plus-values résultant de la cession de parts dans des sociétés à prépondérance immobilière à l’Etat du cédant et non à celui où l’immeuble sous-jacent est situé. S’agissant de l’environnement conventionnel de la France, il en est ainsi notamment de l’actuelle convention conclue avec le Luxembourg en date du 1er avril 1958 et de celle conclue avec l’Allemagne le 21 juillet 1959. Si le fait que cette dernière convention soit en cours de renégociation n’est pas nouveau, un projet ayant selon nos informations été déjà agréé par les experts de chacun des deux pays, la nouvelle de la renégociation de la convention entre la France et le Luxembourg a fait l’effet d’une bombe fiscale dans le microcosme immobilier ! En effet, la plupart des investisseurs étrangers et des fonds paneuropéens ont choisi comme porte d’entrée pour leurs investissements immobiliers en Europe le Luxembourg, ce pays offrant outre un système juridique flexible et une facilité d’accès aux autorités fiscales pour valider des positions, un environnement conventionnel favorable avec la plupart des pays européens. Une renégociation du traité avec la France aurait un impact direct sur le TRI des investisseurs au titre des investissements effectués par ces fonds en France. L’objet des modifications du nouvel amendement devrait être limité et se cantonner à permettre à la France d’imposer les plus-values résultant de la cession par un résident du Luxembourg des parts de sociétés qui détiennent directement ou indirectement des immeubles situés en France. La définition de la prépondérance immobilière qui serait retenue n’est pas encore connue mais il est probable qu’elle devrait se rapprocher de la définition du modèle OCDE rappelée ci-dessus. Le calendrier lui aussi n’est pas connu mais on sait que la France veut aller vite et c’est un exemple typique de l’ambiance qui règne aujourd’hui entre Etats lorsque l’on parle de recettes fiscales. Les autorités fiscales des deux pays l’ont admis oralement : en menaçant de dénoncer la convention si elle n’était pas amendée, la France a forcé la main du Luxembourg qui est aujourd’hui quasi convoqué à la table des négociations. Autre exemple, le 21 novembre dernier, la Russie et le Luxembourg ont signé un avenant à leur convention fiscale prévoyant ainsi que, dès l’entrée en vigueur de cet avenant, les plus-values résultant de la cession de parts dans des sociétés non cotées qui détiennent plus de 50 % d’immobilier sont imposables là où les immeubles sont situés.

 

L’Italie et l’Espagne, comme la France, n’hésitent plus aujourd’hui à procéder à des perquisitions fiscales

Une lutte accrue contre la fraude et l’évasion fiscale

Ces volontés de renégociations font parfois suite à la mise en place d’un arsenal de répression fiscale qui, par le biais de perquisitions a permis aux autorités fiscales des différents pays d’acquérir une connaissance accrue des structurations qui permettent de délocaliser l’impôt. L’Italie et l’Espagne, comme la France, n’hésitent plus aujourd’hui à procéder à des perquisitions fiscales afin de recueillir des informations leur permettant de démontrer que les holdings étrangères de détention des investissements immobiliers sur leur territoire ont, en réalité, un établissement stable là où les immeubles sont situés, réduisant ainsi à peu de chose tous les efforts et procédures mises en place pour démontrer la substance des holdings. En effet, en démontrant l’existence d’un établissement stable, la plus-value devient imposable dans l’Etat où est situé cet établissement stable. La menace d’une procédure pénale est souvent suffisante pour amener les contribuables à la table des négociations. Par ailleurs, la crise financière et les listes grise et noire des pays attachés au secret des opérations financières a entrainé la conclusion d’une multitude de conventions d’échange de renseignements entre Etats. Cependant, la seule signature d’une telle convention n’est plus suffisante aujourd’hui. Les Etats veulent s’assurer que celle-ci sera correctement exécutée par leur contrepartie. En créant la notion d’Etat coopératif et non coopératif, la France en est un bon exemple. Investir au travers d’un Etat jugé non coopératif par la France est gage d’un alourdissement phénoménal de la fiscalité (retenues à la source de 55 %, taux majoré d’imposition des plus-values...). Certains pays, cependant, ne suivent pas encore cette tendance, tels la Russie, l’Irlande ou la Suisse qui ne prévoient aujourd’hui pas de dispositif anti-abus en cas d’établissement dans un paradis fiscal ou dans un Etat à fiscalité privilégiée. On le voit, les Etat se sont sophistiqués dans leur approche de la masse imposable et dans la lutte contre l’évasion fiscale. L’étau se resserre et même si certains pays résistent encore, la tendance va vers une imposition systématique des revenus et plus-values liés à des immeubles dans l’Etat où ceux-ci sont situés.

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Mots-clés : Magazine 79, OCDE