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Point de vue de Charles-Edouard Brault, Cabinet Brault & Associés

Obligations du bailleur en cas de dépérissement d'un centre commercial

L’étendue de l’obligation du bailleur pour les galeries marchandes ou centres commerciaux a soulevé d’importantes interrogations, portant notamment sur son éventuelle garantie de maintenir un environnement commercial favorable au locataire.

À plusieurs reprises, la Cour de cassation a affirmé qu’un bailleur de centre commercial ne contractait aucune obligation particulière destinée à assurer le maintien d’un environnement commercial, puisqu’il était seulement tenu d’assurer la délivrance, l’entretien et la jouissance paisible de la chose louée, et ce conformément aux dispositions des articles 1719 et 1720 du code civil (notamment : Cass. 3e civ., 12 juillet 2000, arrêt n° 98-23171).

Cette solution s’est ensuite infléchie, la Cour de cassation ayant sanctionné un arrêt d’appel qui n’avait pas recherché si le défaut d’entretien des parties communes du centre commercial n’avait pas pour effet de priver les preneurs des avantages qu’ils tenaient du bail (Cass. 3e civ., 31 octobre 2006, arrêt n° 05-18.377).

Ceci étant, il fallait donc se référer aux dispositions contractuelles pour vérifier notamment si l’accès à la galerie marchande devait ou non être intégré à l’obligation de délivrance du bailleur, tandis qu’en l’absence de stipulation particulière aucune obligation complémentaire ne devait peser sur le bailleur d’un centre commercial.

Cette solution était ensuite réaffirmée dans une espèce où la Cour relevait que l’obligation du bailleur d’assurer un environnement favorable relevait d’une simple obligation de moyens en l’absence de stipulation contractuelle expresse, tandis que la faible occupation des locaux commerciaux du centre ne pouvait lui être imputable dans la mesure où elle s’expliquait par des difficultés liées à la faisabilité de l’opération commerciale (Cass. 3e civ., 14 février 2012, arrêt n° 11-13.393).

En l’espèce, un preneur avait pris à bail un local à usage de salon de coiffure au sein d’une galerie marchande dans laquelle était également installé un hypermarché. Mais un nouveau centre commercial avait été construit, de telle sorte que l’hypermarché et les autres boutiques de la galerie s’étaient implantés au sein de ce nouveau centre, la locataire restant seule commerçante dans l’ancienne galerie commerciale.

Saisie d’une demande de résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs du bailleur, la cour d’appel de Caen faisait droit à cette demande en relevant que le dépérissement général de l’ensemble immobilier, la suppression de l’accès aux WC et l’existence de gravats et de levées de terre empêchant le libre accès au parking, justifiaient un manquement grave du bailleur à ses obligations légales.

Dans son pourvoi, le bailleur faisait grief à la cour d’appel de ne pas avoir constaté que le bail ne lui imposait aucune obligation particulière, en rappelant le principe posé par la Cour de cassation en son arrêt du 12 juillet 2000 : en l’absence de stipulation particulière, le bailleur est seulement tenu d’assurer la délivrance, l’entretien et la jouissance de la chose louée, sans être tenu de maintenir un environnement commercial favorable.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, en confirmant le manquement du bailleur à ses obligations, et les conséquences financières de la résiliation du bail en découlant.

On relèvera que le bail ne comportait aucune clause dérogatoire expresse aux dispositions de l’article 1723 du code civil, puisqu’il évoquait simplement la fermeture de l’hypermarché, point qui ne faisait pas l’objet du débat puisqu’il s’agissait d’un véritable abandon du centre commercial dans son ensemble.

Il en résultait indiscutablement un changement de la chose louée, tandis que le bailleur était également tenu d’assurer l’entretien et le nettoyage du mail de circulation comme des aires de stationnement.

Il était donc avéré que le bailleur n’avait pas respecté ses obligations légales et contractuelles, entraînant une véritable modification de la chose louée, définitive et défavorable au preneur.

Le bailleur d’un centre commercial est un bailleur comme les autres, et cet arrêt ne modifie pas radicalement la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation.

Si l’obligation de maintien d’un environnement favorable ne peut être engagée qu’en cas de stipulation particulière, il est avéré que les baux de centres commerciaux s’assimilant à de véritables contrats d’adhésion, se gardent bien d’évoquer de quelconques obligations à cet égard…

En revanche, la désertification ou le dépérissement du centre commercial en son ensemble constitue un changement de la chose louée, engageant la responsabilité du bailleur sur le fondement des dispositions des articles 1719 et 1723 du code civil, et ce en l’absence de clause dérogatoire expresse.
(Cass. 3e civ., 19 décembre 2012, arrêt n° 11-23541)

Mots-clés : Cour de cassation