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Le volet logement du projet de loi ALUR : les bons sentiments à l’épreuve du marché

Le projet de loi ALUR (« Accès au Logement et pour un Urbanisme Rénové ») défendu par Cécile Duflot a été adopté en seconde lecture par l’Assemblée nationale le 16 janvier dernier. Le volet logement du projet retenu par l’Assemblée est toutefois sensiblement différent du texte d’origine. En effet, la ministre a dû concéder un certain nombre d’ajustements, voire de bouleversements, pour calmer les esprits échauffés des professionnels de l’immobilier. Le texte voté par les députés semble donc désormais moins faire de « clivages », car le projet de loi a été en partie vidé de son sens. Il reste que le projet de loi comprend encore des mesures qui suscitent à la fois des inquiétudes et des interrogations. Retour sur les deux dispositions qui ont concentré toutes les critiques.


La Garantie Universelle des Loyers (GUL)

La première mesure phare du volet logement du projet de loi Duflot, porte sur la GUL, ou « Garantie Universelle des Loyers ». Celle-ci était initialement conçue pour être obligatoire et s’imposer à tous les propriétaires du parc locatif privé, afin de les garantir de leurs impayés de loyers. Elle devait ainsi se substituer aux cautionnements traditionnellement exigés par les bailleurs. L’objectif affiché était d’améliorer l’accès au logement en rassurant les propriétaires quant aux cocontractants choisis, tout impayé étant pris en charge par cette garantie.

Les réactions à ce projet n’ont pas tardé : dénonciation d’une volonté de déresponsabilisation des locataires et impossibilité de financer la dite garantie. Cécile Duflot a tenté de justifier son projet en mettant en avant l’accès au logement pour tous. L’argument n’a pas convaincu.

Quant au financement de cette garantie, que certains comparaient déjà au tonneau des Danaïdes, il s’est manifestement avéré incompatible avec les discours officiels de restriction budgétaire.

Confrontée à une levée de boucliers sans précédent, Cécile Duflot a été contrainte de revoir sa copie. La garantie publique sera finalement facultative. Il est par ailleurs fort à parier que peu de propriétaires opteront en faveur de cette garantie, qui sera, en tout état de cause, limitée à un plafond défini par décret et dont le bénéfice sera soumis à de nombreuses conditions, dont notamment l’obligation pour le bailleur de ne pas déclarer tardivement les loyers impayés, de ne pas faire « preuve de négligence dans l’exercice de ses droits », ou encore de contrôler que son locataire n’a pas effectué de fausses déclarations.

Quant au financement de la GUL, le gouvernement a indiqué qu’il serait pris en charge par l’Etat, via le biais d’économies sur ses dépenses actuelles. Compte-tenu de l’état actuel des finances publiques, cela revient à dire qu’aucun financement n’a été trouvé.

Dans ces conditions, beaucoup espèrent que la GUL, désormais facultative, sera prochainement enterrée au cimetière des fausses bonnes idées.

L’encadrement des loyers

La seconde mesure phare du volet logement du projet de loi Duflot, à savoir l’encadrement des loyers, est, quant à elle, censée lutter contre l’inflation des prix du logement.

Le mécanisme retenu devrait, en effet, permettre aux préfets de fixer, dans les zones dites « tendues », à savoir les agglomérations de plus de 50 000 habitants et qui regroupent 70 % du parc locatif privé :

- un loyer médian de référence,

- un loyer plancher ne pouvant être supérieur au loyer médian diminué de 30 %,

- et un loyer de référence majoré, dit « loyer élevé », qui ne pourra excéder 20 % du loyer médian de référence et qui constituera le loyer maximal pouvant être proposé par les bailleurs.

Ici encore, les manifestations d’hostilité ont été nombreuses, les détracteurs de la mesure y ayant vu une intrusion injustifiée du législateur dans un marché devant n’être soumis qu’à la libre concurrence.

L’encadrement des loyers nécessitera, par ailleurs, la mise en place d’observatoires des loyers, qui auront pour mission de recueillir les références de loyer pour les mettre à disposition du public. Indépendamment des moyens mis en œuvre pour mettre en place ces observatoires, il reste à connaître les conditions dans lesquelles ceux-ci recueilleront les données locatives, précision étant faite que certains professionnels de l’immobilier, parmi lesquels le réseau « Clameur » dépendant du groupe Foncia, ont menacé de ne pas faire remonter les références de loyers connues.

Par ailleurs, s’il est vrai que le projet de loi permet aux bailleurs de solliciter un « complément de loyer exceptionnel » (sans que celui-ci ne soit toutefois défini par le projet) pour « des logements présentant des caractéristiques de localisation et de confort exceptionnelles par leur nature et leur ampleur », la fixation d’un même loyer pour tous les logements d’une même zone, aura pour conséquence inévitable de niveler vers le bas la qualité des logements mis en location. Ainsi, le projet de loi, qui avait pour objet de limiter la précarité des locataires, pourrait bien entraîner, à long ou même à moyen terme, la précarité des logements eux-mêmes.

L’argument consistant à invoquer l’exemple allemand, où le régime de l’encadrement des loyers existe depuis plusieurs années, n’est par ailleurs pas pertinent, dans la mesure où les marchés des villes allemandes ne sont généralement pas tendus, en raison d’une offre à la hauteur de la demande et d’une stabilité de la population.

Une fois encore, le problème semble avoir été pris à l’envers. Ce n’est pas en s’attaquant au marché et à ses excès, que l’on trouvera la réponse à la seule question qui mérite d’être posée : comment, en France, construire et entretenir suffisamment de logements pour répondre à la demande ?

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