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Point de vue de Charles-Edouard Brault, Cabinet Brault & Associés

Commerce : quelle valeur de fonds pour apprécier l'indemnité d'éviction ?

(Cass. 3e civ., 5 février 2014, arrêt n° 13-10174)

Dans le cadre de la détermination d’une indemnité d’éviction pour perte de fonds de commerce, l’évolution des usages a peu à peu imposé de prendre en considération une nouvelle approche fondée sur un multiple de l’EBE, tandis que la méthode dite des barèmes découlant des usages de la profession demeure la référence visée par l’article L 145-14 du code de commerce.

La question s’est donc posée de savoir si le chiffre d’affaires à retenir pour l’évaluation du fonds évincé s’entend hors taxes ou TVA incluse.

Un arrêt qui avait retenu que la TVA n’était pas un acquis pour le commerçant mais un impôt recouvré par lui sur son client et réservé à l’administration fiscale dont il n’est que l’agent de perception, a été censuré par la Cour de cassation faute d’avoir recherché si l’usage de la profession n’était pas d’inclure la TVA dans le montant du chiffre d’affaires qui sert de base à l’évaluation du fonds évincé (Cass. 3e civ., 15 juin 1994, arrêt n° 92-14172).

Un autre arrêt rendu par la Cour de cassation confirmait la référence aux usages professionnels en rejetant un pourvoi à l’encontre d’une cour d’appel qui avait estimé qu’une indemnité d’éviction représentait la stricte réparation d’un préjudice, excluant la prise en compte de la TVA, tandis qu’il était avéré que l’affirmation du preneur selon laquelle il fallait inclure la TVA sur le chiffre d’affaires pour la valeur marchande de son fonds de commerce ne se rattachait pas aux usages de la profession (Cass. 3e civ., 17 décembre 2003, arrêt n° 02-12236).

En réalité, la plupart des barèmes publiés font référence d’une façon exclusive à un chiffre d’affaires moyen TTC, tandis que la majorité des experts judiciaires déposent leur rapport en faisant référence au chiffre d’affaires découlant du bilan et présenté par conséquent hors taxes.

Dans son arrêt du 5 février 2014, la Cour de cassation rappelle que « le fait qu’une indemnité réparatrice ne soit pas soumise à une taxe sur la valeur ajoutée ne fait pas, en soi, obstacle à la prise en compte pour sa fixation d’éléments comptables arrêtés toutes taxes comprises ».

La cour d’appel est donc censurée pour avoir retenu que seul le montant hors taxes du chiffre d’affaires devait être pris en considération, au motif que l’indemnité attribuée s’inscrivait dans la réparation d’un préjudice et non dans une transaction imposable.

Il appartient donc aux experts et aux tribunaux de rechercher les usages et modalités retenus dans la profession ou le secteur d’activité concerné, pour vérifier si le barème prend en compte un chiffre d’affaires moyen hors taxes ou taxes incluses.

La primauté est donc réaffirmée aux usages qui retiennent dans la très grande majorité un chiffre d’affaires toutes taxes comprises, ce qui devra inciter les experts judiciaires à déterminer d’une façon plus précise le mode de calcul retenu au titre de la valeur marchande du fonds au regard des usages et des barèmes publiés dans la branche d’activité.

 

 

 

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