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Anne Hidalgo

« J’ai un projet ambitieux pour Paris qui se concentre sur le développement économique »

Deux femmes. Deux candidates. Un fauteuil. Anne Hidaldo, première adjointe au maire de Paris chargée de l’urbanisme et de l’architecture et Nathalie Kosciusko-Morizet, députée de la 4ème circonscription de l’Essonne, ont bien voulu se plier au petit jeu du débat pour cette nouvelle édition de Business Immo Madame. Pour tout savoir sur leurs programmes et leurs visions pour Paris...
Propos recueillis par Barbara Koreniouguine et Sandra Roumi

Business Immo Madame : Quelle est votre vision idéale de la ville ?
Anne Hidalgo : A l’heure où les grandes métropoles de la planète concentrent près de la moitié du PIB mondial, c’est au cœur de ces «laboratoires à ciel ouvert» que s’élaborent les réponses aux grands enjeux du siècle. La cité est le lieu où chaque jour davantage s’invente notre futur. C’est le destin de Paris. Je veux si je suis élue maire de Paris relever ces défis. En proposant une « ville qui ose », je veux réussir l’alchimie entre trois ambitions : assurer la puissance et la modernité de la cité ; lui donner ainsi les moyens d’honorer les besoins de tous ses habitants ; et, ce faisant, affirmer les valeurs de Paris. Pour cela, je prône une ville mixte dans toutes ses composantes : sociale, fonctionnelle, intergénérationnelle… Elle doit accueillir toutes les catégories de la population, sans distinction de diplôme, d’âge… Des jeunes, des familles, des seniors, des actifs, des personnes plus fragiles, des étudiants, des employés qui permettent à la ville de fonctionner. J’ai mis beaucoup d’énergie dans la réalisation de ce projet. J’ai souhaité pousser très loin l’idée de mixité, en organisant la coexistence au sein de chaque quartier, et souvent même au sein d’un même bâtiment, de logements, d’activités économiques, de commerces, d’équipements publics… Je souhaite poursuivre cette mutation de Paris, et favoriser l’innovation dans les formes urbaines, les manières d’habiter et de travailler. Au-delà, dans les années à venir, la métropole du Grand Paris va profondément changer le paysage institutionnel. Elle fera disparaître des barrières administratives aujourd’hui totalement dépassées. C’est le sens de la Loi sur les métropoles que je soutiens. Elle permettra de donner de l’air à Paris, et en particulier de traiter la question du logement, des transports avec une plus grande efficacité opérationnelle.
BIM : Quelle est votre religion en matière de hauteur à Paris ?
AH : Je n’ai pas de religion, pas de tabou mais une conviction : la hauteur peut être l’une des manières de construire la ville de demain, une ville intense et pour tous. Elle peut permettre de répondre aux enjeux de logement, d’environnement, de déplacements, de lutte contre l’étalement urbain. Et je peux m’appuyer sur le choix des parisiens eux-mêmes, car la question de la hauteur à Paris leur a été clairement posée lors des élections de 2008, elle est derrière nous et nous l’avons traité avec sensibilité comme il se doit à Paris. Certains sites s’y prêtent, d’autres non et trois projets sont aujourd’hui lancés dans le 13, 15 et 17e. Bien sûr, Il n’est pas question de bâtir des IGH dans le centre de Paris. Mais dans des quartiers en devenir comme Clichy-Batignolles, Paris Rive-Gauche ou Bercy-Charenton, la proximité de « vides » que sont les voies ferrées et le boulevard périphérique offre des opportunités de réaliser des bâtiments hauts qui s’insèrent bien dans la ville. Les conditions que je pose sont incontournables : ces bâtiments doivent être des objets uniques, d’une grande qualité architecturale, environnementale et artistique. A l’avenir, je n’exclus pas la présence de logements et de bureaux dans un même IGH. Outre que ces bâtiments contribueront à la mixité sociale et fonctionnelle, ils apporteront également des solutions énergétiques très efficaces.
BIM : Quelle sera votre feuille de route pour le logement à Paris ?
AH : Le logement est la première de mes priorités. Mes objectifs sont clairs et reposent sur des choix assumés. D’abord, je veux poursuivre l’ambition parisienne en matière de logement social. Mais je veux m’adresser aussi aux classes moyennes et aux jeunes actifs, qui aujourd’hui trouvent très peu d’appartements en location correspondant à leurs besoins, et sont confrontés à des prix qui ne leurs permettent pas d’acheter. Mon objectif est clair : créer 10 000 nouveaux logements par an à Paris, et mettre notamment l’accent sur le logement social mais aussi sur les programmes intermédiaires destinés aux classes moyennes et aux jeunes actifs. J’ai réuni récemment l’ensemble des professionnels de l’immobilier, en vue de passer avec eux un pacte et de créer une agence « Multiloc » réunissant le public et le privé. Il est nécessaire de multiplier les efforts en matière de construction de logements intermédiaires, de participer au mouvement de transformation de bureaux obsolètes en logements que je lancerai, et à remettre sur le marché les logements vacants en échange de garanties pour les propriétaires.
BIM : Comment faire revenir les classes moyennes dans la capitale ?
AH : D’abord il faut tordre le cou à cette idée, les classes moyennes sont l’essentiel de la population parisienne. Plus de 70 % des parisiens sont éligibles au logement social et rentrent dans cette catégorie. Les classes moyennes et les jeunes actifs sont au cœur de ma politique du logement. Je mettrai donc l’accent sur une offre de logements intermédiaires. J’ai réuni à deux reprises les professionnels de l’immobilier, en présence d’élus du Grand Paris, pour travailler sur un ensemble d’actions à mener de manière concertée. Si je suis élue Maire de Paris, dès le début de la mandature, je proposerai aux acteurs de l‘immobilier un pacte. Je mobiliserai un véritable pool composé d’acteurs privés prêts à produire davantage de logements intermédiaires, à agir pour remettre sur le marché locatif des logements vacants, à expérimenter de nouveaux montages financiers et juridiques, et à travailler sur chaque parcelle en vue d’une évolution des règles d’urbanisme : déplafonnement, surélévation, règles de densités, assouplissement des règles concernant les parkings… Je prendrai bien entendu appui sur les nouveaux outils législatifs et règlementaires. Pour favoriser plus spécifiquement une offre de logements intermédiaires, je créerai une structure rassemblant acteurs publics et privés. Je lancerai un grand mouvement de transformation de bureaux obsolètes en logements intermédiaires. J’envisage également de fixer un seuil minimum de 25 % de ce type de logements dans les programmes neufs de plus de 800 m² au sein de quartiers où l’on compte déjà beaucoup de logements sociaux.
BIM : Quelle sera votre politique d’attractivité de la capitale à destination des entreprises et des investisseurs immobiliers ?
AH : Les grandes villes seront au cœur du redressement économique de notre pays. Et Paris a évidemment un rôle particulier à jouer. Notre ville est attractive. Et cela profite à toute la métropole et bien au-delà. Nous avons investi plus de 8 Mds€ entre 2001 et 2008 et plus de 9 Mds€ de 2008 à aujourd’hui. Cet effort consenti par les Parisiens est très important, il bénéficie aux entreprises qui répondent aux commandes publiques, et notamment dans le secteur du BTP. Il a permis à Paris de retrouver son rang de ville-monde, aux côtés de New York, Londres, Shanghai et Tokyo. Bien sûr, il ne suffit pas d’être une grande métropole pour être un territoire attractif, moteur de la création de richesses. Ce sont les projets que je porterai qui construiront morceau par morceau l’attractivité de la capitale. Je pense bien sûr à la croissance verte et aux nouvelles mobilités, qui sont un facteur central de compétitivité du territoire. Je pense également à l’innovation qui sera le logiciel de mon action dans la prochaine mandature. Pour être attractive, Paris sera une ville capitale en matière d’innovation sociale et d’innovation technologique.
BIM : Quelle sera la politique foncière de la ville ?
AH : Paris est une ville dense, dont le territoire est limité. Mais elle comporte encore quelques opportunités foncières. Je pense par exemple à de vastes espaces comme celui de Bercy-Charenton, sur lequel un projet d’aménagement est lancé. Pour intervenir sur ces territoires, il faut de l’imagination et de l’audace. Il faut travailler sur la proximité avec les infrastructures de transport, et transformer les contraintes en opportunités. La hauteur est parfois une réponse que ce soit pour du logement ou de l’activité. Je rappelle qu’aujourd’hui que 10 % du territoire parisien est en aménagement. Le foncier est également disponible de manière moins visible. Je souhaite donc travailler sur chaque parcelle, et associer étroitement les professionnels de l’immobilier pour voir dans quelles conditions urbaines, architecturales et environnementales, nous pouvons faire évoluer les règles applicables. Tout particulièrement à Paris, le foncier est un constituant essentiel des prix immobiliers. Je favoriserai des montages innovants dans les projets de construction, impliquant par exemple la dissociation du foncier et du bâti.
BIM : Quelle sera votre politique énergétique à Paris ?
AH : A travers notre plan climat énergie, notre ville est un moteur de la transition énergétique des territoires. Nos objectifs sont très ambitieux en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de consommation et de développement des énergies renouvelables. Cela se traduit dans nos choix urbains, dans l’utilisation des réseaux et des nouvelles sources d’énergie comme la chaleur des égouts, dans les efforts demandés sur les nouveaux logements au sein des opérations d’aménagement et dans le parc social. Je veux aussi m’appuyer sur l’innovation technologique : chauffer des appartements et les équipements publics grâce à des serveurs informatiques. C’est au point et un immeuble de la RIVP est aujourd’hui ainsi chauffé. Dans la prochaine mandature, je ferai encore baisser la facture énergétique des parisiens en poursuivant dans cette voie, et en accentuant la politique parisienne d’incitation aux travaux de rénovation pour l’habitat privé, mais aussi pour le tertiaire.
BIM : Comment voyez-vous Paris dans 5 ans ? Quelles sont vos priorités pour que Paris reste la plus belle capitale du monde tant pour ses habitants que pour les touristes ?
AH : J’ai un projet ambitieux pour Paris qui se concentre sur un développement économique prenant en compte les nouvelles façons de travailler et les nouvelles filières industrielles. Je l’ai baptisé « l’Arc de l’Innovation ». De la porte de Versailles aux Batignolles, je souhaite que se développent des universités, des pépinières, des incubateurs, des TPE, des PME, des logements pour tous. Je veux que l’innovation soit un trait d’union entre Paris et ses communes voisines. 100 000 m2 d’incubateurs s’ajouteront ainsi aux 100 000 m2 déjà construits. Le Grand Paris doit être servi par l’innovation tout en la soutenant, c’est uniquement comme cela que nous créerons des emplois et produirons la richesse de demain. Cet « Arc de l’Innovation » doit permettre à Paris de devenir la capitale mondiale de l’économie sociale et solidaire : 9 % de l’emploi à Paris en est issu, je veux continuer sur cette dynamique. La question des transports est également au centre de l’avenir du Grand Paris. Paris restera une ville agréable, moderne et ouverte si les transports publics se développent. C’est pourquoi je veux qu’on engage, sans plus tarder, le prolongement de la ligne 10, que les bus soient plus fréquents, que le tramway des Maréchaux soit prolongé au nord et sud de Paris. Enfin, je veux surtout créer une liaison rapide entre les gares parisiennes, un projet de haute technologie qui faciliterait de manière concrète le quotidien des Parisiens et des Franciliens.
BIM : Quels ont été les principaux freins et les principaux atouts que vous avez rencontré dans l’exercice de vos fonctions d’élue en tant que femme ?
AH : Le machisme ambiant du monde médiatique et politique a été très réducteur tout au long de mon évolution politique. Typiquement, je trouve le regard stéréotypé et caricatural sur les qualités ou les défauts supposés d’une femme totalement « débile ». A l’inverse, l’intelligence des citoyens a été une force pour moi. Les Parisiennes et Parisiens tombent rarement dans ces stéréotypes sexistes, leur vision reste éloignée d’une représentation classique et anachronique de la femme politique. Ils sont avant-gardistes.

Cette nouvelle édition de Business Immo Madame intitulée "Où en sont les femmes ?" a entièrement été réalisée par les membres du Cercle des Femmes de l'Immobilier et son Cercle Complice.

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