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Point de vue de Phillippe Taboret, APIC

Plan d'économie : l'incohérence du secteur du logement

Philippe Taboret, président de l'Apic.

Manuel Valls, dont le plan d'économie a reçu un accueil frais de la part de la majorité même, a tranché : le budget du logement ne sera pas sollicité. Pour autant, les aides personnelles au logement ne seront pas revalorisées selon l'évolution du coût de la vie, comme c'était la règle naguère. L'économie à attendre de cette décision est de 177 millions d'euros. Que penser de ces deux choix stratégiques ?

En première approche, surtout si l'on est un acteur de la politique du logement, on pourrait être tenté de trouver cette ligne heureuse et de crier victoire : voilà que le poste budgétaire lié aux dépenses en faveur du logement échappe aux coupes sombres qui conduiront à une économie de 50 milliards d'euros sur l'exercice à venir. Seulement voilà, derrière cette stratégie qui risque d'endormir les lobbies, se cachent trois erreurs.

La première est une erreur citoyenne : est-il normal qu'un ministère et un secteur d'activités ne contribuent pas comme les autres à l'effort national ? Cela va apporter de l'eau au moulin de ceux -il s'en trouve beaucoup à Bercy- qui considèrent l'immobilier incapable de bien fonctionner sans soutien massif de l'Etat. Considérons cette erreur-là comme philosophique, mais je crains qu'elle n'expose à l'avenir encore plus le secteur du logement aux réductions budgétaires, et celles-là pourraient bien être drastiques et violentes.

La deuxième erreur est corollaire de la précédente : notre secteur ne fonctionne pas si bien puisqu’il sanctuarise, sans aucune remise en question de fond, la stratégie budgétaire qui a cours depuis des décennies. Soyons sérieux. Le budget du logement, si l'on y intègre les aides des collectivités locales, s'établit à près de 42 milliards d'euros. Surtout, il augmente tendanciellement depuis vingt ans. Or, peut-on dire qu'il joue son double rôle de resolvabilisateur des ménages et d'amortisseur contracyclique de l'industrie immobilière ? La réponse est malheureusement négative sur les deux tableaux.

Les familles des classes intermédiaires, comme les plus fragiles, voient leur taux d'effort, en location et en accession, augmenter sans cesse. Quant aux entreprises, faut-il ajouter quelque chose quand on constate que les autorisations de construire, les mises en chantier et les logements livrés n'ont jamais été aussi asthéniques ? Le pays est en train de plonger en dessous de la barre fatidique des 300 000 unités par an, performance que nous jugions collectivement insuffisante...il y a vingt ans.

En clair, le postulat qu'il ne fallait pas toucher au budget du logement est inacceptable. Le budget du logement est à mettre à plat avec courage et lucidité, deux vertus qui semblent faire défaut depuis longtemps à nos gouvernants. On sait aussi, parce que toutes les parties prenantes le disent à l'envi désormais, que des mesures non budgétaires seraient plus salutaires que toutes les dépenses : la simplification normative et la mise à disposition d'un foncier abordable par l'Etat et les collectivités. Ces deux chantiers sont en panne, et pour les relancer, on se contente d'en parler depuis un an. Le ministère du Logement n'a jamais autant été celui de la parole. Encore, s'il s'agissait de la parole donnée et tenue...

Enfin, le gel de la revalorisation des aides est une bien mauvaise idée : sait-on bien qui est concerné ? La raison consisterait à identifier les publics prioritaires et pour ces ménages-là à accroître l'aide de la collectivité, tandis qu'on la supprimerait à ceux pour qui elle n'est pas ou plus nécessaire. La finesse géographique de l'appréciation des situations est aussi une condition pour que le système regagne en équité et en efficacité, alors que le regard est aujourd'hui inspiré par la presbytie de l'Etat.

 

 

 

 

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