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Grenelle de l’environnement : quel impact sur l’immobilier ?

La prise en compte de l’environnement dans la réalisation de projets immobiliers ne sera bientôt plus seulement une mode mais un vrai mode de vie, de plus en plus encadré et réglementé. Aujourd’hui, le développement durable passe des principes théoriques définis notamment lors du sommet de la terre en juin 1992, dans le protocole de Kyoto en 1997, dans la Charte de l’environnement intégrée à la Constitution… à une mise en œuvre de plus en plus concrète et locale.

La question de l’environnement dans les projets immobiliers intervient à tous les stades de l’opération de construire. Les contraintes environnementales traduites dans les documents d’urbanisme ou relevant de législations spécifiques (loi sur l’eau, dispositions sur les ICPE…) devront être intégrées au projet de construction dès la conception de celui-ci. De la pose de la première pierre et durant toute la vie du chantier, le constructeur devra - ou aura le souci constant de - prendre en compte les objectifs de réduction de la consommation énergétique du bâtiment, de traitement des déchets du chantier, de maitrise économe des ressources… Aujourd’hui, l’adoption de la loi de programmation reprenant l’essentiel des conclusions du Grenelle de l’environnement place la démarche écologique au cœur de l’immeuble.

Contexte et objectifs des Grenelle de l’environnement

Partant du constat que le bâtiment représente 40 % de la consommation d’énergie et correspond à un quart des émissions de gaz à effet de serre en France1 , la réduction de la consommation d’énergie dans le bâtiment s’est imposée comme un objectif prioritaire lors des discussions du Grenelle de l’environnement.

Trois comités opérationnels ont donc été consacrés au secteur du bâtiment :
-    « bâtiments neufs publics et privés »3  ;
-    « logements sociaux et rénovation urbaine »4  ;
-    « bâtiments existants »5 .
 

Suivant une partie des recommandations issues de ces trois comités, le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « loi Grenelle 1 », présenté en Conseil des ministres le 11 juin 2008, accorde une place importante au secteur du bâtiment. Ainsi, la réduction de la consommation d’énergie des bâtiments fait partie des deux priorités des mesures nationales de lutte contre le changement climatique, au côté des émissions de gaz à effet de serre des secteurs des transports et de l’énergie. Si les objectifs de la loi Grenelle 1 ont été salués par tous, associations de défense de l’environnement comme professionnels de l’immobilier, la concrétisation attendue n’est, dans certains cas, pas à la hauteur des ambitions affichées.
Le bâtiment occupe le premier chapitre de la loi Grenelle 1, avec un titre ambitieux visant à « organiser une rupture pour réduire le consommation d’énergie des bâtiments ». Pour parvenir à cette rupture, deux priorités sont affichées :
- la mise en œuvre à grande échelle de travaux de rénovation thermique ;
- le développement de technologie de rupture dans la construction des nouveaux bâtiments et la rénovation accélérée.
Dans ces objectifs, l’angle d’attaque est donc mis sur la rénovation de l’existant. Toutefois, les mesures concrètes semblent à ce stade concentrées sur les constructions neuves.

Les mesures concernant les constructions neuves
La loi Grenelle 1 impose pour les constructions neuves des objectifs précis et très concrets d’efficacité énergétique, en deux étapes :
- Première étape : l’application de la norme « basse consommation » à toutes les nouvelles constructions en 2012, ce qui correspond à une consommation énergétique inférieure à 50 kilowattheures/m²/an en moyenne (avec des adaptations possibles en fonction de la localisation, des caractéristiques, de l’usage et des émissions de GES du bâtiment). L’échéance est avancée à 2010 pour les bâtiments tertiaires et publics.
- Seconde étape : à partir de 2020, les nouvelles constructions devront satisfaire à la norme « énergie positive », leur consommation énergétique devant être inférieure à la quantité d’énergie produite par les bâtiments à partir d’énergie renouvelable.
Ces objectifs ambitieux sont fixés dans des horizons qui permettront aux acteurs du marché immobiliers de développer les produits et techniques permettant de respecter ces seuils d’efficacité énergétique. Dans ce domaine, les acteurs qui ont anticipé ce virage environnementaliste ont d’ores et déjà pris une avance considérable.
 

Les mesures concernant le bâti existant
L’objectif global, en ce qui concerne les bâtiments existants, est de réduire de 38 % la consommation du parc de bâtiments existants en 2020. Les mesures concrètes permettant d’atteindre cet objectif dépendent du type de bâtiment concerné :
- Pour les bâtiments publics, la loi Grenelle 1 prévoit un audit énergétique des bâtiments existant qui devra être réalisé dans un délai de dix ans et qui aboutira à la réalisation de travaux réduisant de 40 % la consommation d’énergie des bâtiments publics. Ces travaux devront être engagés avant 2012.
- Concernant les logements sociaux : la priorité est donnée aux 800 000 logements sociaux dont la consommation dépasse aujourd’hui 230 kilowattheure/m²/an. Ils devront avant fin 2020 ne plus dépasser le seuil de 150 kilowattheure/m²/an. Pour cela, des subventions et prêts à taux privilégiés seront accordés aux organismes bailleurs de logements sociaux.
- Enfin, concernant le parc résidentiel privé : aucune obligation de travaux n’est imposée, seules des incitations financières sont envisagées. Par exemple, à côté d’un éco-prêt à taux zéro, l’extension du dispositif d’aide à l’accession à la propriété est programmée en faveur des acquéreurs de logements existants qui satisfont, au préalable ou après des travaux, des critères élevés de performance énergétique. La loi Grenelle 1 souhaite également voir se développer des outils financiers assis sur les revenus futurs des économies d’énergie qui seront réalisées grâce aux travaux financés. Enfin, le champ d’application des certificats d’économie d’énergie pourra être étendu aux propriétaires de surface tertiaire importantes (notamment les sociétés foncières).

Limites et perspectives
Cette dernière catégorie du parc résidentiel privé rassemble nombre de critiques, notamment du fait de l’absence de contrainte : les recommandations du comité opérationnel sur les « bâtiments existants » suivaient le principe suivant « aider, puis contraindre, mesurer et garantir ». La contrainte n’est donc pas retenue à ce stade. S’il est envisagé de mettre en place des obligations de travaux au plus tôt en 2012, les modalités pratiques ne sont pas déterminées. Aucun objectif d’efficacité énergétique n’est fixé.
En outre, la loi Grenelle 1 ne reprend pas la proposition du comité opérationnel visant à créer, pour le tertiaire, un système de taxation des consommations d’énergie des bâtiments et d’exonération de cette taxe pour ceux qui s’engagent pour améliorer l’efficacité énergétique de leur patrimoine.
Les mesures d’incitation semblent bien insuffisantes, comme cela ressort du rapport du Conseil économique et social (CES) rendu sur ce projet de loi le 28 mai 2008. En effet, le CES constate que l’efficacité du principe du financement des travaux par les mesures réalisées est peu vraisemblable, surtout en ce qui concerne les particuliers.
L’absence de chiffrage a également été très regrettée : dans une première version du projet de loi, certaines mesures étaient chiffrées et semblaient annoncer des enveloppes budgétaires conséquentes. Le chiffre de 338 M€ pour la rénovation thermique des logements sociaux avait notamment été annoncé ainsi qu’un budget de 24 Mds pour les bâtiments publics.
Autre motif d’insatisfaction : la faible place accordée à la formation professionnelle des professionnels du bâtiment. Alors qu’elle est indispensable et nécessite des moyens financiers importants, la loi Grenelle 1 n’y fait qu’une modeste allusion peu concrète. Là encore, le CES souligne le caractère insuffisant de la loi Grenelle 1 sur ce point.
Ces critiques sont en partie dues à la méthodologie choisie et au type de texte proposé par le gouvernement : d’un point de vue méthodologique, les orientations du Grenelle de l’environnement seront mises en place en plusieurs vagues afin de faire avancer rapidement les secteurs les plus propices. En outre, la loi Grenelle est une loi de programme, par nature peu concrète. Elle annonce toutefois plusieurs autres lois à venir à l’automne. Elle fixe un cadre qui, à défaut de convaincre totalement, donne des orientations intéressantes.
Il nous faut donc attendre et espérer que les mesures concrètes qui interviendront dans les lois d’application seront à la hauteur des ambitions du Grenelle de l’environnement, particulièrement riche de potentiel dans le secteur du bâtiment.
 

mail Grenelle de l’environnement : quel impact sur l’immobilier ? Christine Daric

Envoyer un e-mail Marie-Laetitia de la Ville Baugé

Envoyer un e-mail Séverine Guilluy

Avocats à la Cour, Baker & McKenzie SCP
 

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1. Soit 1,1 tonne équivalent pétrole par an et par habitant. Au total, le bâtiment produit chaque année plus de 120 millions de tonnes de dioxyde de carbone, gaz à effet de serre. Source Ministère du Logement de la Ville.
2. Les comités opérationnels avaient la charge de traduire en orientations pratiques les grandes équilibres dégagées dans les conclusions du Grenelle de l’environnement.
3. Présidé par Alain Maugard, président du CSTB, et ayant rendu son rapport en mars 2008.
4. Présidé par Philippe Van de Maele, directeur général de l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine), a rendu son rapport le 13 mars 2008.
5. Le groupe opérationnel présidé par Philippe Pelletier, président de l’Agence nationale pour l’amélioration du logement (ANAH), a rendu son rapport le 7 janvier 2008.