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Point de vue de Kevin Deslandes, étudiant en architecture

[POINT DE VUE] Urbanisme : Paris pense son avenir

Pendant trop longtemps, Paris a été considéré comme un musée qu’il ne fallait surtout pas déranger. Des siècles d’urbanisme ayant fait œuvre pour finalement donner un écrin unique et inestimable que la main de l’homme de la fin du XXe siècle ne pouvait toucher. Si cette perception peu flatteuse pour les architectes d’aujourd’hui demeure bien ancrée dans les mentalités, l’activité de la capitale oblige les pouvoirs publics à penser la vie urbaine de demain. Preuve que la ville change, le projet « réinventer Paris » a reçu 815 candidatures en quelques semaines. Place à l’avenir.

De quel Paris parle-t-on ?

Paris sera toujours Paris. Maurice Chevalier avait raison. La belle capitale sera toujours spéciale, mais son charme ne doit pas s’éteindre lentement, victime d’une momification coupable. L’urbanisme des années 1970 a été un traumatisme pour tous les citadins, les barres d’immeubles s’empilant sans grâce, défigurant les centres urbains et capitalisant les tensions et inégalités sociales. Si Paris a échappé en grande partie à cette vague de béton, nombreux sont ceux qui regrettent encore la construction de la Tour Montparnasse. Sortie de terre en 1973, elle abrite – certes – de très nombreux bureaux qui font du quartier un centre économique, mais elle accumule aussi les problèmes. Jugée comme une pollution visuelle par de nombreux habitants, elle est une source de danger en raison de l’amiante qui y est présente.

Les constructions dites « modernes » n’ont pas vraiment la cote auprès des Parisiens. La polémique sur la Tour Triangle du cabinet d’architecte Herzog & Meuron subit les foudres des futurs riverains et le refus du Conseil de Paris qui a finalement rejeté le projet en novembre 2014. Trop imposante, pas assez écologique, et surtout pas assez dans l’esprit parisien pour être digne d’être érigée. Tels sont les principaux motifs de rejet exprimés. La Tour est en suspens, d’autres projets sont sur le point d’aboutir pour le plus grand bien des habitants et des touristes. Le chantier le plus imposant est celui des Halles qui devrait être terminé en 2018. Les travaux ont commencé il y a huit ans déjà et quelques cassandres soulignent que le budget initial sera dépassé d’environ 14 % (plus d’un milliard de budget total). Rénover Paris coûte cher. Pourquoi mettre un tel prix ?

Comme pour les matières organiques, l’architecture suit un processus de dégénérescence. Il faut, soit tout détruire et reconstruire derrière, soit rénover en gardant l’esprit et parfois la lettre des constructions originelles. Si un édifice comme Notre-Dame-de-Paris reste un des points de passages obligés de la capitale, c’est parce que son entretien méticuleux fait d’elle un joyau couru de tous. Aucun ajout ou « délire moderne » n’est venu rompre le charme d’une architecture presque millénaire. Il en va de même pour les plus récentes façades haussmanniennes qui bien que rénovées au minimum une fois tous les dix ans, n’ont pas subi les outrages d’architectes pressés de laisser une trace dans « la plus belle ville du monde ».

Moderniser Paris est capital. Il en va du bien être de ses 2,2 millions d’habitants. Les travaux ne doivent pas seulement répondre à un besoin d’embellissement ou de simple rénovation. Il s’agit aussi de faire de cette cité une ville en phase avec les modes de vie contemporains. Plus d’espaces verts et piétons, des pistes cyclables, des logements sociaux, mais pas infernaux, des bureaux pensés pour l’économie de demain. Les chantiers sur lesquels se pencher sont nombreux et l’idée de la municipalité parisienne de faire appel à la créativité de tous pour « réinventer » la ville est une initiative très pertinente. Vingt-trois sites font l’objet d’appels d’offres lesquels ont jusqu’au 11 mai pour être soumis. Les propositions viennent des quatre coins du monde et illustrent l’enthousiasme qu’ont les architectes à repenser une ville âgée de deux millénaires. De l’hôtel particulier à la friche, toutes les cordes de l’architecture sont mises à contribution. Les mots clés sont l’esthétisme, la fonctionnalité et l’écologie.

Trouver de l’espace : le modèle de la RATP

Le problème le plus important dans les centres urbains, et a fortiori dans une ville comme Paris, reste le manque d’espace. Chaque recoin est occupé et il est souvent impossible de s’étendre malgré les besoins. Trop construire à la verticale n’est pas non plus une solution comme le prouvent toutes les tentatives largement décriées par des Parisiens fiers de leur patrimoine architectural. L’exemple à suivre vient peut-être de la RATP qui profite intelligemment des besoins de rénovation de ses sites pour se faire promoteur immobilier. La régie parisienne de transports dispose de nombreux centres de dépôts de bus qu’il est nécessaire de rénover et même d’agrandir pour éviter d’envoyer les véhicules loin de leur route lorsqu’ils ne sont pas en fonction. Le PDG de la RATP, Pierre Mongin, rappelle que la moitié des bus « dorment à Paris ». Le coût de ce va-et-vient n’est pas négligeable et des parcs de stationnement plus grands sont nécessaires. Mais comment faire quand la ville n’est pas extensible ?

La réponse se trouve dans les sous-sols. Mettre sous terre les infrastructures et disposer des terrains en surface pour construire des logements. Ou comment faire d’une pierre deux coups. Plusieurs projets sont en cours dans le 14e, 15e et 20e arrondissement. Le projet d’enfouissement et d’agrandissement du parc de stationnement dans le 14e arrondissement montre tout le potentiel de cette nouvelle façon de penser la ville. La construction de 650 logements sur le site permettra de financer l’ensemble du projet. Un gain d’espace, des économies à venir et tout cela sans mettre les comptes de la RATP dans le rouge.

Ce sont ainsi 2 000 logements made in RATP qui sont attendus dans la capitale en plus des 4 000 déjà créés au cours de ces vingt dernières années. La RATP hausse le rythme au profit de Parisiens en quête perpétuelle de nouveaux logements. Une vingtaine d’autres projets sont en construction ou dans les bureaux d’études. L’exemple de la régie parisienne de transports reprend bien la philosophie qui doit aujourd’hui être celle des penseurs de la vie urbaine. Faire de la ville un endroit agréable, écologique tout en préservant l’esthétisme avec une pointe de modernité. Une ville est un être vivant et vouloir la rendre imperméable à tout changement est le prélude d’une déchéance certaine. Entre conservatisme et soif de modernité, une ligne médiane se dessine toujours. Gage aux urbanistes de la tracer et aux pouvoirs publics de l’aider à émerger.

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