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[EDITO] Les barbares aux portes de l’immobilier

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Faut-il craindre ces barbares qui s’attaquent à la rente ? La question taraude plus que jamais l’industrie immobilière. Gecina, membre fondateur du Club Innovation & Immobilier, a invité trois ambassadeurs dans le cadre d’une conférence de son think tank. Bird OfficeHub Grade et Office Riders sont venus « pitcher » devant un public « traditionnaliste » de professionnels immobiliers. Chacun vient avec sa plate-forme web s’immiscer dans les interstices d’une industrie immobilière parfois un peu trop bien huilée.

Bird Office a fait de son logiciel de réservation de salles de réunion la pierre angulaire de son business model, au point même de changer de focale en évoluant du modèle Airbnb de la salle de réunion vers un gestionnaire des espaces de réunion. La clientèle d’Arnaud Katz, son fondateur, est clairement celle de grands comptes qui externalisent une prestation de service autour de la location de salles, glissant ainsi de l’immobilier vers l’événementiel.

Brieuc Oger, le fondateur d’Hub Grade se propose, lui, d’apporter de la flexibilité dans l’immobilier. La quête du Graal pour tout utilisateur. Sa plate-forme de location d’espaces de bureaux entre professionnels se présente en réalité comme un intermédiaire qui transforme le carcan du bail 3/6/9 ans en une sous-location, un bail précaire ou un contrat de prestation de service. Un modèle qui ne vit pas comme une rupture, mais comme un commercialisateur d’une nouvelle génération. D’ailleurs Hub Grade dispose de sa carte T.

Le plus innovant peut-être, et d’ailleurs le moins compris de l’assemblée, est assurément Office Riders. Son principe, lui aussi calqué sur Airbnb, propose une market place collaborative qui permet à chaque particulier de sous-louer une partie de son domicile à des entreprises ou des travailleurs nomades. Le cible semble plus réduite de prime abord, mais pourrait s’étendre très rapidement si l’on donne corps aux théories de la fin du salariat. D’ailleurs, son fondateur, Florian Delifer, qui se qualifie lui-même de « gang leader », a eu cette idée à San Francisco où il a galéré pour se payer des bureaux. Sa solution, c’est l’industrialisation du système D avec toutes les incertitudes juridiques et réglementaires.

Que retenir de ces barbares ? D’abord, leur volonté de bousculer l’ordre établi – c’est le propre des barbares – mais avec toujours en arrière-pensée la possibilité d’intégrer un major de l’industrie immobilière. Ensuite, un réel vent de fraîcheur. Il n’est pas anodin qu’un HEC – Arnaud Katz – ait voulu monter sa structure plutôt que de rejoindre une entreprise du monde établi. C’est le début d’un mouvement de fond de l’entreprenariat en France, veut croire Loïc Dosseur, directeur général adjoint de Paris&Co. Enfin, un retour à la réalité. Pas un des trois barbares n’a osé annoncer la fin du bureau. Pas même celui qui veut l’uberiser. En revanche, tout le monde s’accorde sur la nécessaire mutation de l’immeuble de bureaux. La fédération des promoteurs d’Île-de-France rappelait ce chiffre inquiétant : plus de 600 000 m² de bureaux neufs sont vides en Île-de-France. Si l’on tient compte des immeubles en cours de construction, l’offre physique représente 1,8 année de commercialisation alors même que les promoteurs ont réduit les mises en chantier à moins de 450 000 m² en 2015, 300 000 m² de moins que la moyenne des 10 dernières années. On ne parle ici que du bureau neuf en Île-de-France, l’épicentre de l’économie française !

La véritable révolution serait bien d’imaginer l’immeuble à tout faire. Celui qui, à force de résilience, s’adapte à tous les cycles économiques, toutes les mutations sociétales et urbaines. Les professionnels savent mettre le pied sur l’accélérateur ou le frein selon la conjoncture économique. Il leur faut apprendre maintenant à manier le volant pour être enfin agiles. Cela serait plus facile avec moins de normes, moins de chartes prescriptives aux documents d’urbanisme, moins de taxes, moins d’incertitudes dans l’organisation territoriale… On manœuvre toujours plus facilement avec une direction assistée.

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