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[EDITO] Paris : quand Hidalgo dénonce l’Amazon de non droit

Entrepôt Amazon à Paris © ERIC PIERMONT / AFP

En lançant son service de livraison express – baptisé « Prime Now » – Amazon devient au commerce parisien ce qu’Airbnb est à l’hôtellerie aujourd’hui et WeWork demain au bureau. Une nouvelle saillie dans l’inexorable uberisation des activités économiques traditionnelles. Que propose le géant américain de la distribution ? Tout simplement de livrer en moins d’une heure des denrées alimentaires et produits de première nécessité, fort de 18 000 références en stock, dont 4 000 produits alimentaires. Pour les Parisiens pur jus, c’est la mort de la petite épicerie du coin de la rue (mais existe-t-elle encore ?) et une sacrée épine dans le pied des groupes de distribution qui ont quadrillé la capitale en démultipliant les formats de leurs surfaces alimentaires.

Mise devant le fait accompli, Anne Hidalgo n’a pas tardé à réagir avec des arguments qui révèlent avant tout un aveu d’impuissance. La maire de Paris promet d’être « intransigeante » sur la préservation du commerce de proximité. Mais c’est quand même le client qui décide ! S’il préfère se faire livrer plutôt que de faire la queue aux caisses ou scanner ses articles, libre à lui. S’il décide de louer un appartement via Airbnb, ce n’est pas uniquement dans l’optique de déstabiliser le modèle économique du Accor ou de quelque autre enseigne, mais peut-être parce que la qualité de service n’est pas toujours au rendez-vous ?

Autre argument développé par Anne Hidalgo : « la qualité de vie des riverains au regard de la logistique du centre » serait mise à mal par un entrepôt de 4 000 m² situé boulevard Ney dans le 18e arrondissement. Si la formule est savamment étudiée par les communicants de la mairie de Paris, elle s’apparente quand même purement et simplement à un refus de la logistique urbaine. Ce qui peut sembler assez paradoxal quelques mois après avoir posé en grandes pompes la première pierre de Chapelle International, qui comprend entre autres un hôtel logistique de 40 000 m². Passons sur le risque de pollution qui serait généré par les véhicules. Il tombera à mesure que le parc automobile s’électrifiera. Et si Amazon passait un partenariat avec Bolloré et sa Blue Car ?

Enfin, Anne Hidalgo s’inquiète de la politique de ressources humaines menée par Amazon. Mais en quoi la maire d’une ville peut-elle s’improviser DRH d’une multinationale ? Peut-elle aussi s’immiscer dans le bien-être au travail des employés des MonoprixFranprix et autres enseignes, pas seulement alimentaires ?

Derrière la maladresse de cette réaction, Anne Hidalgo pointe cependant l’un des enjeux majeurs des grandes villes-monde. Celui de leur équilibre territorial où il faudra sans cesse jongler entre attractivité et intégration. La question ne se limite plus à celle de casser des ghettos urbains, à coups de logements sociaux dans les quartiers bourgeois, mais au fonctionnement même de la cité. Comment garantir demain que les services publics ou privés seront encore au cœur de la ville ?

L’innovation technologique accélère le temps et l’initiative d’Amazon s’inscrit déjà dans une volonté de lutter contre d’autres barbares qui veulent s’emparer du marché. Face à cette déferlante, les pouvoirs publics et les élus locaux sont désarmés. La seule réponse d’Anne Hidalgo à Amazon est la menace d’étendre la procédure d’autorisation des équipements commerciaux aux plates-formes logistiques. C’est une couche réglementaire supplémentaire pour les opérateurs immobiliers, une source de fragilisation des investissements, un ralentissement certain de l’activité économique, et pas forcément une arme pertinente en matière d’aménagement du territoire. En tout cas, cela ne s’est pas vu dans le paysage de l’immobilier commercial.

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