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Point de vue de Nicolas Marx, Performance IMMO

Registre des copropriétés : Une initiative à double tranchant

© Olivier Le Moal / Fotolia

La ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, a annoncé début novembre la création d’un registre d'immatriculation des copropriétés pour répertorier, comme l'impose la loi ALUR, les quelques 8 millions de logements français concernés. Leur enregistrement, prévu à compter du 1er janvier 2017, génère d’ores et déjà quelques crispations.

Opération transparence sur les copropriétés ! C’est le chantier mené par le gouvernement avec la création d’un registre national dédié au marché de la gestion immobilière jugé opaque. Jusqu’à présent, ni leur existence ni leur situation financière ne faisaient l’objet d’une quelconque attention. Le registre d’immatriculation des copropriétés recensera les informations techniques sur les bâtiments (date de construction, classe énergétique, nombre de lots...) mais aussi et surtout les éléments financiers (budget, dettes, montant des travaux…). Cela offrira aux propriétaires comme aux acquéreurs, une vision réaliste de la gestion d’un immeuble ainsi que la mise en lumière des copropriétés en difficulté. Reste que, si les intentions sont louables, elles ne sont pas, à court terme, sans conséquences tant sur l’activité des administrateurs de biens que sur le marché des transactions.

Vers un nouveau rapport de force entre petits et grands cabinets

Dans les faits, les syndics sont mandatés pour créer en ligne une fiche propre à chacune des copropriétés dont elles ont la gestion. La mise à jour de ces fiches devra se faire annuellement et dans les deux mois suivant la tenue de l’Assemblée Générale des copropriétaires. Ces tâches rejoignent celles déjà nombreuses et denses des syndics, sans compter les coûts liés à la mise à jour des systèmes informatiques à même d’extraire et de transmettre les données demandées.

Venant s’ajouter à une l’accumulation récente de nouvelles règles, il y a fort à parier que le registre des copropriétés amplifie le fossé (déjà grand) entre les petits acteurs et les plus grands. Ces derniers ont en effet les moyens humains et financiers de faire face à cette réglementation en constante évolution et se sont déjà organisés suite aux premières dispositions de la loi ALUR. Ils s’adapteront donc sans mal à la mise en place de ce registre.

Les petits cabinets, eux, ont du mal à suivre le rythme imposé par le gouvernement, nombreux sont ceux d’ailleurs à ne pas avoir encore mis à jour leur mandat unique.

Vers une concentration du marché de la gestion immobilière

Cette accentuation du rapport de force entre petites et grandes structures ne sera pas sans conséquence sur le phénomène de concentration du marché, qui s’accélère depuis déjà quelques années au gré des acquisitions et rachats de portefeuilles de gestion. Aujourd’hui, le renforcement de la réglementation se traduit par une perte de la rentabilité des portefeuilles qui entraîne un écrémage inévitable des acteurs les moins compétitifs du syndic traditionnel, ceux-ci étant appelés à disparaître à moyen terme.

On constate, en outre, une augmentation non négligeable des honoraires, qui peuvent aller jusqu’à 15 % dans les grandes agglomérations. L’enregistrement d’une copropriété n’étant qu’un exemple parmi d’autres, il peut être facturé dans certains cas jusqu’à 2400 €. Il s’agit bien-sûr, pour les cabinets concernés, d’un moyen de récupérer une petite partie des points de rentabilité perdus avec la mise en place de la loi ALUR, et d’absorber les coûts inhérents au renforcement des exigences règlementaires.

Enfin, ces deux phénomènes : forte concentration du secteur et augmentation des honoraires de gestion, favorisent depuis quelques temps l’émergence de nouveaux acteurs, proposant une offre low cost qui, pour être compétitive, rogne sur les services et l’accompagnement. Au départ destiné aux petites copropriétés de moins de 30 lots, ce modèle séduit de plus en plus de copropriétaires. Un dumping sur ce secteur en quête de qualité serait pourtant néfaste pour les professionnels, leurs fournisseurs et in fine pour les particuliers.

Un dumping sur ce secteur en quête de qualité serait pourtant néfaste pour les professionnels, leurs fournisseurs et in fine pour les particuliers.

A qui profitera cette « open data » ?

Déjà, des voix s’élèvent à la FNAIM sur la dangerosité du texte vis à vis des copropriétés. En effet les nouvelles obligations qui leur incombent tendent à les assimiler à des sociétés privées. On pourrait voir ici se dessiner le spectre d’un nouvel impôt ou d’une taxe, qui à minima viendrait renforcer le financement de l’ANAH (Agence National de l’Habitat) pour l’aider dans sa lourde tâche. Par ailleurs, l’accès libre à ces informations pourrait favoriser la mise en pratique d’une concurrence déloyale, permettant ainsi de faire des rapprochements bien pratiques pour le démarchage commercial.

Ce ne sont bien sûr pour l’instant que de supputations, car les pistes actuelles évoquées par le Ministère du logement sont uniquement d’ordre statistique et préventif. Il s’agit d’une part pour l’observatoire des copropriétés et les collectivités d’avoir une vision de l’état du parc immobilier et d’autre part pour les acquéreurs de disposer des informations nécessaires à la réalisation d’un choix éclairé dans le cadre de leur projet immobilier.

Cela implique bien évidemment que le marché de la transaction immobilière est aussi directement concerné. En effet, en allant bien au-delà du carnet d’entretien qui détaille les travaux de maintenance réalisés, le registre des copropriétés apportera une indication sur la santé financière de la copropriété, laquelle entrera nécessairement dans l’appréciation de la valeur d’un bien.

Tant dans son contexte que dans son application, la mise en place du registre des copropriétés met en balance des opportunités et des menaces qui seront bien difficiles à équilibrer.

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