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Point de vue de Gontran Thüring, Conseil National des Centres Commerciaux

Trop de centres commerciaux en périphérie ?

Emmanuelle Cosse © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Emmanuelle Cosse, Ministre du Logement et de l’Habitat Durable s’est vue remettre le 9 mars dernier le rapport du CGED (Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable) intitulé « Inscrire les dynamiques du commerce dans la ville durable ».

On peut tout d’abord s’étonner que ce soit ce ministère qui s’exprime seul sur le sujet, sans y associer le Secrétariat d’Etat au Commerce alors que ce dernier vient pour sa part de produire un rapport sur la « Revitalisation des centres-villes ».

Ensuite, la lecture du rapport en question et la communication du ministère qui a suivi sont des plus surprenantes.

Tout d’abord, stigmatiser une filière nous semble relever d’une méconnaissance des réalités sociologique et démographique et renier la volonté d’un grand nombre de collectivités territoriales. La « rurbanisation » a conduit, volens nolens, à un accroissement de population en zone péri-urbaine huit fois supérieur au centre-ville durant les cinq dernières années selon les chiffres de l’Insee. Cette augmentation nécessite des équipements adaptés : hôpitaux, collèges, centres culturels et sportifs mais aussi … commerciaux !

Affirmer par ailleurs, comme il est fait dans le communiqué officiel diffusé par Emmanuelle Cosse, que « la France est aujourd’hui le pays européen avec la densité la plus importante de centres commerciaux » ou que la « multiplication des zones commerciales est un désastre écologique pour les villes » relève de la post-vérité, voire de la désinformation. Selon les chiffres de l’ICSC (International Council of Shopping Centers), autorité compétente en la matière, la densité des centres commerciaux en France est de 0,27 m² par habitant, soit dans la moyenne européenne, entre le Royaume-Uni et le Portugal. Quant à l’environnement, nul ne peut nier que les centres commerciaux français se sont engagés volontairement depuis plusieurs années dans une démarche vertueuse en sa faveur. Quelques chiffres le prouvent : 18 000 tonnes de déchets recyclés annuellement, une réduction de 4 200 tonnes d’émission de CO² en deux ans. Sans parler de la mise en place d’une annexe environnementale ou « bail vert » engageant bailleurs et commerçants en faveur de la performance énergétique. Maître Philippe Pelletier, Président du Grenelle Bâtiment Durable n’a-t-il pas lui-même déclaré que « dans le secteur (des centres commerciaux), l’engagement en faveur de l’environnement était réel ».

Quant au rapport lui-même, il multiplie des constats tout aussi étonnants, sans aucune justification chiffrée.

- « La prolifération des espaces commerciaux se poursuivraient de façon continue ». A titre d’information, le nombre de dossiers autorisés par les CDAC et la CNAC pour la création d’équipements structurés (centres commerciaux, retail parks) a baissé de 26 % entre 2015 et 2016…

- « Les arguments relatifs à la création d’emplois s’avèrent de moins en moins crédibles ». Le CNCC, dans une étude qu’il vient de publier rappelle quelques chiffres utiles : + 16% d ’emplois en huit ans dans une conjoncture pourtant difficile; pour un million de chiffre d’affaires, 4 fois plus d’emplois (par nature non délocalisables) créés par un centre commercial que par un site d’e-commerce; 95% de CDI (pour une moyenne nationale de 86%). Au-delà des statistiques, le secteur s’est engagé dans des actions sociales fortes (partenariat avec Pôle Emploi, Ecole de la 2ème chance, Compagnons du Devoir, etc.) et continue à jouer plus que jamais son rôle « d’ascenseur social ».

- « L’état de dégradation des périphéries ne saurait tenir lieu de justification pour reculer devant l’ardente obligation de réparation urbaine ». Loin de reculer, de nombreux opérateurs privés ont, au contraire, engagé volontairement d’ambitieuses opérations de requalification de friches en déshérence ou de zones commerciales anarchiques et vieillissantes. Citons sans être exhaustif des projets tels que l’Avenue 83 à Toulon, Neyrpic à Grenoble, l’Ode à la Mer à Montpellier ou encore  l’Open Sky à Plaisir en région parisienne. Il faut enfin mentionner les équipements qui, comme Val d’Europe à Disneyland Paris, Polygone Riviera à Cagnes-sur-Mer ou encore le projet de Honfleur Normandy Outlet contribuent à l’attraction touristique que le gouvernement cherche précisément à (re)dynamiser. Toutes ces opérations sont développées dans le cadre d’un partenariat public-privé, les élus locaux ayant pour leur part bien compris que les politiques publiques en matière d’urbanisme commercial ne se décrétaient pas unilatéralement…

Suite à la remise du rapport du CGED, Emmanuelle Cosse a annoncé la création d’un réseau « Commerce, Ville et Territoire ». Le CNCC s’y associera volontiers dans une volonté de dialogue mais sous réserve qu’il échappe aux postures idéologiques et prenne en compte les préoccupations de celui qu’on oublie trop souvent de consulter : le citoyen-consommateur avec ses besoins et ses envies !