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Point de vue d'Olivier Colcombet, DG de Digit RE

Projet de loi logement : une pétition d'efficacité

Visuel d'illustration © PackShot / Fotolia

Pour la première fois depuis bien longtemps, un gouvernement aura préparé un projet de loi sur le logement sans concertation avec les corps intermédiaires du secteur ni avec les acteurs majeurs, entreprises ou associations. Quelques audiences concédées, au cours desquelles les intentions du ministre n'auront pas véritablement fait l'objet d'échanges ou de demandes d'avis experts. En lieu et place de ces séances, habituelles pour les prédécesseurs de Jacques Mézard, une consultation lancée par voie de plate-forme numérique, permettant à celles et ceux qui s'estimaient représentatifs d'un métier ou d'une cause de s'exprimer et de faire des propositions. Sans doute le gouvernement d'Édouard Philippe, inspiré en cela par Emmanuel Macron, a-t-il des appétits de réforme qu'il ne veut pas voir contrecarrer par des lobbies parfois trop conservateurs. Sans doute aussi veut-il aller vite pour améliorer rapidement ce qui doit l'être et n'a-t-il pas le temps de gagner les sceptiques à sa cause.

Nous savons désormais quels grands sujets fondamentaux seront traités dans le texte qui sera présenté dans les prochaines semaines en Conseil des ministres : à défaut d'un projet de loi, Jacques Mézard et son secrétaire d'État Julien Denormandie ont présenté leur plan pour le logement. Il témoigne que le gouvernement a pris conscience de l'importance de ce dossier. Le projet de loi à venir, mais aussi le projet de loi de finances pour 2018, en cours d'élaboration, doivent créer les conditions d'un choc d'offres et libérer la construction là où le pays en a le plus besoin, dans les zones tendues. Il doit aussi s'attacher tout particulièrement aux délaissés des politiques du logement : les jeunes, les étudiants, les contrats de travail précaires (qui seront de plus en plus nombreux), les indépendants et travailleurs en mobilité. Le concept d'un bail adapté à ces populations a déjà été tracé au cours de la campagne présidentielle et il figurait dans le programme du candidat Macron. Le projet de loi logement devait enfin simplifier les normes de construction par priorité, également moderniser et alléger les règles du jeu de la copropriété. Ces évolutions, en menant à une baisse des prix, doivent permettre une réduction du volume des aides distribuées.

À cet égard, le plan tient nombre de promesses et en omet d'autres. Il faudra remédier à ces oublis. La prolongation pour quatre ans du PTZ et du Pinel en zones tendues est heureuse, comme les allègements de taxation de plus-values pendant trois ans pour inciter les propriétaires de terrains à céder leur foncier. L'annonce de la pause normative pour la construction permettra aux promoteurs de produire plus aisément à l'avenir, même si les récents propos d'Emmanuel Macron à Toulouse laissaient envisager un allègement au lieu d'un réel gel. Enfin, restreindre les possibilités d'engager des recours contre les permis de construire était indispensable.

Le bail simplifié marque une avancée pour les jeunes mais pour l’instant, les indépendants ou les salariés à contrat précaire ne semblent pas concernés. C'est pourtant une urgence que de rapprocher par un contrat adapté l'offre locative et les travailleurs actuels !

Des oublis fâcheux, en outre, que les parlementaires et les organisations professionnelles vont conduire le gouvernement à corriger : rien sur l'allègement des droits de mutation à titre onéreux, rien sur les zones détendues, dans lesquelles l'accession et l'investissement locatif dans le neuf ne seront plus encouragés. S'il est normal que l'accompagnement par l'aide publique ne soit pas systématique, on pourrait permettre l'examen des situations territoriales avec les élus pour mesurer les besoins.

Enfin, la réforme des HLM est fondée : oui, il faut catalyser les cessions de logements par les organismes pour leur permettre de dégager des moyens de produire plus ; d'autant que le blocage pendant deux ans de la rémunération du Livret A (principale ressource pour eux) va leur maintenir des conditions d'emprunt très favorables. Ils devront, en contrepartie de ces apports financiers, baisser leurs loyers de 60 € par mois, et les APL distribuées en seront allégées. La réforme prévoit aussi une mesure de justice : les ressources des ménages éligibles seront appréciées non pas en référence aux revenus déclarés de l'année n-2, mais aux revenus du moment.

En somme, ce que prévoit l'exécutif est empreint de la volonté d'être efficace et d'un pragmatisme louable. En revanche, l'enjeu des territoires non tendus ne fait pas l'objet d'une attention suffisante, ni celui des nouveaux travailleurs. Deux questions fondamentales pour la réussite du pays que l'Assemblée nationale et le Sénat, éclairés par les syndicats, devront avoir à cœur de remettre dans le débat public, tant dans le projet de loi du ministre de la Cohésion des territoires que dans le projet de budget pour 2018.

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