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Point de vue de Laurent Derote, DVA Executive Search

L'emploi des cadres dans l'industrie immobilière en 2017 et 2018

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En direct du Forum des métiers de l'immobilier (Paris) - Dire que le marché de l'emploi des cadres dans l'industrie immobilière a été au zénith en 2017 est un lieu commun. L'alignement des planètes, tant pour l'immobilier qu'en matière d'économie en général, n'avait pas été aussi parfait depuis plus de dix ans.

De fait, dans un environnement mondial porteur, l'activité française est particulièrement soutenue depuis fin 2016, avec une progression du PIB régulière de l'ordre de +0.4 % / +0.5 % par trimestre, encore revue à la hausse par l'Insee en fin d'année. Ainsi, le PIB enregistrerait-il désormais un rebond de +1.9 % en 2017, avec tous les clignotants au vert. Même l'investissement public, certes encore en repli pour la 5e année consécutive, a néanmoins connu une amélioration au dernier trimestre.

Dans l'industrie immobilière, la forte baisse des taux conjuguée aux aides à l'achat telles que le prêt à taux zéro pour l'ancien avec travaux et la prorogation du Pinel pour le neuf, dans un contexte de besoins criants dans les zones tendues, d'amélioration de l'économie et de confiance des ménages, ont abouti à des ventes record, qu'il s'agisse d'ancien - plus de 1 million d'unités vendues -, ou de neuf - avec probablement plus de 154 000 unités réservées (149 018 en 2016). Quant aux mises en chantier globales, les derniers chiffres laissent augurer une réalisation de 410 000 unités en 2017, bien supérieure à la moyenne de long terme sur ces vingt dernières années.

En matière d'investissement, si l'immobilier d'entreprise est globalement en retrait en 2017, c'est essentiellement par manque de produit. Par contre, l'année 2017 alignera sans doute les records pour les SCPI/OPCI : à mi-année, la progression de la collecte est de +46 % par rapport à 2016, avec 6,5 Mds€, et la capitalisation n'a jamais été aussi élevée, à 59 Mds€.

Quant au marché locatif, il suit logiquement le climat des affaires : record en région avec 745 000 m² placés au premier semestre 2017, maintien d'un bon niveau en Île-de-France avec 1,16 million de m² placés sur la même période et probablement 2,6 millions de m² à fin décembre.

Même l'immobilier du commerce, durement touché par les grandes mutations du e-commerce et la baisse de la consommation des ménages ces dernières années, devrait tirer son épingle du jeu dans certains secteurs grâce à un rebond de la confiance des ménages ; avec certes des disparités entre luxe et mass market, qui fonctionnent convenablement, et moyen de gamme qui souffre, entre textile traditionnel touché par les restructurations et les faillites, et nouveaux concepts…

Des niveaux d'activité proches des années 2006/2007

Dans cet environnement extrêmement porteur, l'équipe de DVA Executive Search a retrouvé des niveaux d'activité qu'elle a connus dans les années 2006/2007 en signant près de 120 missions dans l'immobilier, ce qui nous a permis d'accroître le CA signé de +57 % par rapport à 2016.

Sans surprise, la promotion résidentielle arrive en tête avec plus de 40 % du CA signé. Il s'est agi essentiellement de responsables et directeurs du développement, de directeurs de centre de profit - de l'agence ou la région à la direction générale -, de directeurs de programmes dont l'immobilier d'entreprise et les grands projets, de directeurs techniques - avec bien souvent une sensibilité qualité, recherche-développement ou encore développement durable -, de directeurs des relations investisseurs dont les internationaux, de la fonction commerciale/marketing et de postes siège, juriste et fonction digitale/traffic management/SEO… Le tiers des recherches est en région, dans les grandes métropoles mais pas seulement, sur la quasi-totalité du territoire cette année. Le besoin de développeurs est tel que la profession est en situation de pénurie et il est impossible de proposer un poste à l'identique avec quelque chance de succès. Il est donc désormais impératif d'élargir la recherche en approchant des professionnels extérieurs au cœur de cible afin d'enrichir une population devenue très insuffisante et qui a souvent tourné deux ou trois fois en trois ans. Citons enfin quelques missions de conseil telles que la recherche d'un partenaire financier pour un promoteur, l'évaluation de cadres, le "mapping" (ciblage et identification) préalable au lancement d'une chasse…

L'immobilier "retail" est en seconde position, avec une certaine reprise par rapport à l'année 2016. Le secteur représente 25 % du CA signé en 2017 chez DVA Executive Search ; la moitié des missions qui nous ont été confiées concernent des responsables de commercialisation et autres consultants "retail". Viennent ensuite les postes d'exploitation : directeur de centre commercial, directeur technique et directeur marketing de centre, directeur de patrimoine et directeur de gestion. L'expansion et le développement ne représentent plus l'essentiel mais les recrutements sont encore significatifs dans l'alimentaire en moyenne surface, et en légère augmentation par rapport à 2016. Enfin, en "corporate", un poste de direction générale, un autre d'asset manager spécialisé et deux postes de directions juridiques complètent nos missions dans ce secteur. À noter que là encore, les recherches en région représentent le tiers des missions.

Surprise, les utilisateurs arrivent juste après, comme les investisseurs institutionnels, avec 10 % du CA signé pour chaque secteur.

Chez les premiers, nous avons recherché des directeurs et responsables de projet Île-de-France et région, un energy manager, un manager stratégie d'occupation pour un grand groupe, un directeur de l'immobilier à forte connotation développement et transformation immobilière pour un leader des résidences services ; enfin, un secrétaire général en position de DGA Immobilier pour un groupe mutualiste.

Chez les investisseurs institutionnels, sociétés de gestion SCPI/OPCI, foncières, fonds d'investissement européens, sociétés d'asset management, opérateurs indépendants créant leur propre structure d'asset management, l'année a été marquée par une forte demande en asset management - les 2/3 des missions confiées - mais aussi par une baisse globale des recrutements, de l'ordre de -15 %, contrairement à la tendance générale de l'année. Ainsi avons-nous été essentiellement missionnés pour des directeurs de l'asset management et des asset managers confirmés tous produits, mais aussi spécialisés en hôtellerie, résidentiel, bureaux.

Citons également un responsable des acquisitions, deux postes en maîtrise d'ouvrage technique, un responsable expertise et participations immobilières.

De belles missions nous ont été confiées dans le logement social, en matière de politiques urbaines, sociales et patrimoniales, de direction juridique spécialisée avec une forte connotation de structuration destinée à optimiser le financement du logement social et intermédiaire. Bref, sujet à l'ordre du jour : un monde qui bouge et se transforme pour sauver son modèle.

Les services et conseils à l'immobilier, en baisse cette année, nous ont néanmoins permis de réaliser des missions intéressantes, pour la recherche d'un directeur du property management en Île-de-France, d'un directeur associé pôle services immobiliers institutionnels, d'un directeur des études et recherche pour un major du conseil international, enfin, pour la recherche de profils techniques en management de projet. Citons pour terminer un poste de directeur du développement des marchés publics pour un leader de la construction.

Et l'année 2018 ?...

Les arbres ne montant pas jusqu'au ciel, nous avons le sentiment que l'année 2018 se caractérisera par une stabilisation, que nous avons d'ailleurs déjà perçue au dernier trimestre : à partir de septembre, le rythme de signatures de nouvelles missions a été près de deux fois inférieur à celui des deux premiers trimestres.

Si la France gardera une cadence économique très favorable en 2018, l'investissement immobilier des ménages pourrait ralentir avec les restrictions imposées par l'État. La suppression progressive de la taxe d'habitation et les abattements exceptionnels sur les plus-values de terrains constructibles afin de libérer du foncier ne suffiront sans doute pas à compenser des perceptions négatives des ménages pour l'investissement immobilier induites par les mesures et la communication gouvernementales et une probable hausse, certes légère, des taux. Ainsi, l'intérêt des investisseurs privés pourrait baisser sensiblement. Ceci d'autant que la manière dont les ménages vont réagir en début d'année à la hausse de la fiscalité, écologie, tabac, carburants, cumulée à l'augmentation de la CSG, reste une inconnue. Selon l'Insee, ces deux facteurs et la reprise de l'inflation pourraient provoquer une baisse du pouvoir d'achat des ménages de 0,3 % au premier trimestre.

Le logement social est en pleine mutation. Ces évolutions, conjuguées au vieillissement de l'encadrement dans ce secteur, devraient créer un appel d'air en matière d'emploi des cadres ; mais par ailleurs, la poursuite des restructurations, les fusions prévisibles entre organismes - notamment ESH d'Action Logement et offices publics -, la recherche de nouveaux modèles de financement, pourraient déboucher sur un certain attentisme.

L'investissement en immobilier d'entreprise restera sans doute plafonné par la pénurie de produits et le risque que représente désormais l'investissement en murs de commerce, à moins que les institutionnels se reportent plus nettement sur le résidentiel. De plus, là encore, des mouvements de fusion ne sont pas à exclure, ce qui peut créer de l'attentisme.

Quant au marché locatif et à celui des services immobiliers, ils devraient suivre l'évolution économique générale et donc connaître de beaux jours… s'ils ne sont pas perturbés par des vents contraires : hyper concurrence et baisse tendancielle des honoraires pour les services, réduction des besoins en surfaces du fait des nouveaux modes d'occupation des bureaux, conséquences de la digitalisation, etc.

Plus que jamais, la nécessité de s'adapter aux grandes évolutions du moment et d'être innovant sera une clé permettant d'assurer la pérennité d'une entreprise de service, dans l'immobilier en particulier.