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Point de vue de Simon Goudiard, ADÉQUATION

Programmons la Métropole du Grand Paris (pour mieux l’inventer)

© MGP

Une chose nous frappe dans les consultations Inventons la Métropole du Grand Paris, en particulier à travers l’excellente analyse de la première édition (IMGP1) que Le Sens de la Ville et Partie Prenante en ont fait  : la non lisibilité de la programmation qui sous-tend les projets.

Nous en comprenons la raison juridique : il n’est pas possible, hors marché public, de définir avec précision les programmes soumis aux candidats.

L’objectif d’invention y a aussi sa part : on croit souvent stimuler la créativité en la libérant des contraintes d’un programme. La troublante ressemblance des projets est là pour démontrer qu’il n’en est rien : combien d’espace de coworking, de fermes urbaines et autres marottes du moment viennent atterrir en des lieux pourtant si différents de l’espace métropolitain ?

Inventer la métropole, est-ce produire une image uniformisée, et forcément datée, à laquelle on donne le nom d’innovation ?

Ou est-ce programmer, sur une réalité sociale, économique et urbaine pré-existante, les projets, emblématiques ou simplement moteurs, qui assureront le développement équilibré et durable de l’espace métropolitain ?

Rêvons que l’effet médiatique de ces consultations – qui fait partie du jeu, nous ne le mésestimons pas – laisse plus de place à la réflexion programmatique et, ce qui va de pair, une gestion plus affirmée de la temporalité des projets.

Gardons l’ambition créative, mais mettons-là au service des besoins des territoires. Aux élus de fixer le cap, aux investisseurs de proposer les moyens et d’assumer leur part de risque… et aux programmistes d’objectiver pour eux le champ des possibles.

Et celui du souhaitable, car comment expliquer, sinon peut-être par des considérations tactiques de la part des candidats, que, pris dans leur ensemble, les projets d’IMGP1 ne représentent que 15 % des besoins (pourtant criants) de logements, mais 50 % de la production annuelle d’immobilier économique de la métropole ? (Source : Le Sens de la Ville et Partie Prenante)

Quant à la temporalité, croit-on vraiment que la participation d’exploitants (coworking, fermes urbaines et autres…) aux groupements candidats, qui n’est rien d’autre qu’une manifestation d’intérêt à l’instant t, garantisse la réalisation des projets cinq ans, dix ans, quinze ans plus tard ? Qu’on se reporte quinze ans en arrière pour imaginer ce qu’aurait donné alors un Inventons…, et voir si les innovateurs de l’époque sont encore en activité.

La question du temps n’est pas anecdotique : la concrétisation des projets échappe aux règles en vigueur dans l’aménagement public, ce qui pose la question de leur gouvernance dans la durée.

Comment s’assurer que les projets retenus tiendront leurs promesses ? S’ils ne le font pas, IMGP aura non seulement raté son objectif, mais aussi perdu sa légitimité, intellectuelle et juridique, de “sélectionneur”.

Les dispositifs de gouvernance des projets qui se mettront en place restent vagues, or c’est pourtant bien là qu’il faudrait innover… et si possible dans le cadre même du concours.

Que les candidats soient sélectionnés sur un projet mais aussi – ou d’abord – sur les moyens qu’ils proposent pour travailler dans la durée avec la collectivité serait un début de garantie.

Une bonne approche consisterait par exemple à prévoir expressément une phase transitoire dans la mise en oeuvre du projet, gage d’un dialogue continu, mais aussi moyen de tester des propositions, faire mûrir des usages, associer des porteurs de projets locaux, saisir des opportunités, pour être en phase avec les besoins à l’horizon de sortie des opérations.

Le rapport avec la programmation ?

La programmation telle que nous la voyons est très éloignée d’un tableau figé de répartition de mètres carrés et de prix de vente. 

C’est tout à la fois de la rigueur dans l’analyse des besoins, de l’acuité dans la perception des tendances, de l’imagination dans le montage des opérations, la prise en compte du temps, l’ouverture aux opportunités.

Autrement dit, l’art d’aller chercher l’innovation là où elle est authentiquement utile, dans un contexte donné. Au moment de la définition des projets bien sûr, mais aussi après, pour faire évoluer le programme dans un dialogue constructif et continu avec l’ensemble des parties prenantes.

La programmation n’est pas le frein mais le carburant de l’innovation.