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Point de vue de Jérôme Le Grelle, CBRE France

Innover, oui, mais pour quels consommateurs ?

Comment les consommateurs réagissent-ils aux événements globaux qui remettent en question leur mode de vie ou leur vision du monde ? Crise climatique, pandémie, crise économique, numérisation de l’économie et de la vie quotidienne ont déjà fait évoluer sensiblement les comportements. Une chose est sûre, cela va continuer. Mais vers quels modèles, et comment accompagner ces évolutions ?

© PhotoGranary / Adobe Stock

À force de raisonner emplacement, format, flux, voisinage, comme le font quotidiennement les acteurs de l’immobilier commercial, le risque existe de passer à côté de ce qui fait la raison d’être du commerce : le consommateur. 

C’est peut-être ce qui explique certains errements, certaines adhésions hâtives à des tendances qui relèvent plus de la croyance que du fait avéré. Ainsi en va-t-il par exemple de la prédiction, fausse, d’un remplacement inexorable du magasin par l’e-commerce, avec l’appui supposé décisif du big data. Ou encore de l’idée que les millenials et autres digital natives allaient forcément préférer le smartphone au centre commercial, alors que c’est le contraire qui est vrai. 

D’autres tendances ont émergé plus récemment, certaines renforcées par le confinement du printemps. L’attrait pour les circuits courts, le come-back remarqué des ventes de jeux en magasin, l’embellie des jardineries et des magasins de bricolage ou de décoration. Autant de choses qui semblent renvoyer à des attitudes moins consuméristes, plus responsables. 

Fin du monde ou fin du mois ?

Cette liste serait incomplète sans inclure le boom des achats de seconde main. Certes, Le Bon Coin existe depuis 2006, sans parler de l’ancêtre eBay, né au siècle dernier. Plus récemment, l’appli Vinted, qui permet de vendre ou de renouveler sa garde-robe à peu de frais, a déjà conquis 12,5 millions de Français depuis 2018 et s’est taillé une belle part du marché de la vente d’habillement en ligne, notamment sur la mode enfantine. Ce qui est notable, c’est l’intérêt des enseignes traditionnelles pour ce qui semble être un nouveau segment du marché de l’habillement. Qu’ont-elles à gagner à ouvrir des rayons de vêtement d’occasion ? Sans doute principalement un peu de capital symbolique, car le réservoir de croissance de cette diversification ne semble pas très profond. En revanche, après avoir sacrifié la qualité et s’être épuisées dans des promotions sans fin, le moment est sans doute venu de redonner du sens à leur marque. Mais s’agit-il de faire vibrer la fibre écologiste ou de soulager le porte-monnaie du consommateur ?

Utopie et passage à l’acte

On voit qu’il est nécessaire d’y regarder de plus près pour comprendre ce qui est en jeu. C’est justement ce que veut faire l’ObSoCo, avec son Observatoire des perspectives utopiques. Sur la base de ces travaux, son fondateur Philippe Moati a coordonné, avec Olivier Badot, la publication d’un ouvrage collectif intitulé Utopies et Consommation. 

Nous ne pouvons plus ignorer que la promesse consumériste s’essouffle dans un monde où il devient patent que la consommation ne contribue plus que très marginalement au bonheur. D’autres utopies devront prendre le relais et, selon l’ObSoCo qui en a testé trois, l’utopie écologiste tient la corde devant l’utopie sécuritaire et l’utopie technolibérale.

L’utopie écologiste, écrit Philippe Moati, « dépeint une société visant sauvegarde de la planète et organisée autour de la sobriété. […] Un des résultats les plus frappants de l’enquête est que l’adhésion à ce système utopique est aussi et peut-être surtout l’effet de l’attraction exercée par les modes de vie et de consommation qui lui ont été associés ».  

Mais l’ouvrage incite aussi à la prudence, car il y a loin de la coupe aux lèvres. Dans un chapitre consacré au green gap, Adeline Ochs décortique les écarts encore très grands entre le discours écologiste et les actes, et propose des pistes d’action pour les réduire. 

Un consommateur en transition

En somme, et cela n’étonnera personne, le consommateur est lui aussi « en transition », mais une transition floue, car il « picore » parmi les promesses des différentes utopies en présence, qui se superposent d’ailleurs en partie — la proximité étant par exemple une aspiration commune aux utopies écologiste et sécuritaire.  

Le magasin est l’un des moyens d’accompagner cette évolution, appelant une créativité accrue et une réflexion stratégique renouvelée de la part des enseignes. Il s’agit notamment de veiller à la cohérence entre le design, l’offre et le service, mais aussi le local lui-même et son environnement commercial, sociologique et urbain.  

Voilà pourquoi nous restons plus que jamais demandeurs d’une coopération étroite avec les équipes qui, chez nos clients enseignes, travaillent à comprendre et satisfaire les aspirations du consommateur.

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