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SIIC et OPCI - une combinaison gagnante ?

Traditionnellement, les collectifs budgétaires de fin d’année sont l’occasion d’apporter des aménagements à la réglementation fiscale applicable aux SIIC et aux OPCI. La dernière loi de finances rectificative pour 2009 (loi du 30 décembre 2009) n’a pas dérogé à l’habitude. Ainsi, les Sppicav tenues par un engagement de conservation pendant cinq ans d’un actif immobilier acquis sous le bénéfice de l’article 210 E du CGI sont désormais autorisées à fusionner avec une autre Sppicav sans remise en cause de cet engagement. Autre nouveauté, SIIC et OPCI peuvent dorénavant constituer des filiales communes admises à opter pour le régime d’exonération. Une faculté qui renforce la complémentarité des deux véhicules et qui devrait consolider leur position dominante sur le marché de l’immobilier d’entreprise.

Créé en 2003 sur le modèle des REIT américains dans l’objectif de redynamiser le secteur boursier des sociétés foncières, le régime fiscal des SIIC a aussitôt connu un vif succès qui, depuis, ne s’est jamais démenti. La capitalisation boursière des SIIC atteignait ainsi 47,7 milliards d’euros au 31 mars 2010 contre 11,1 milliards en 2003. Dans le même temps, le nombre de SIIC est passé de 10 à 46[1].

Les OPCI (ou Sppicav[2]) ont connu un développement de moins grande ampleur, mais néanmoins tout aussi remarquable. Alors que les premiers véhicules n’ont vu le jour qu’à la fin de l’année 2007, en pleine crise financière et dans un marché rapidement devenu atone, on recense aujourd’hui près de 80 Sppicav et 32 sociétés de gestion de portefeuille agréées, pour 7,5 milliards d’euros d’actifs sous gestion.

On le sait, ces deux structures présentent de nombreuses ressemblances, à commencer par leur objet, l’acquisition ou la construction d’immeubles en vue de la location, et leur régime fiscal : en contrepartie de l’exonération d’impôt dont elles bénéficient, les SIIC et les Sppicav doivent distribuer 85% de leurs revenus locatifs, 50% de leurs plus-values immobilières et 100% des dividendes de leurs filiales ayant opté pour le même régime, faisant ainsi peser l’imposition de ces produits sur leurs actionnaires. De plus, les unes et les autres offrent aux entreprises soumises à l’IS qui leur cèdent des actifs immobiliers le bénéfice du taux d’imposition réduit de 19% sur la plus-value réalisée à ce titre[3]. L’avantage est de taille par rapport aux candidats à l’acquisition d’un immeuble qui ne donnent pas accès au 210 E. La possibilité de bénéficier de ce dernier est d’ailleurs devenue une exigence des vendeurs.

Dans ce contexte, on a pu se demander si les deux véhicules étaient en mesure de coexister sans se livrer concurrence. Même s’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, après un peu plus de deux années de vie commune, une tendance se dessine néanmoins, et celle-ci s’inscrit davantage dans une logique de complémentarité que de compétition.

Les atouts et contraintes des SIIC ne se confondent pas totalement avec ceux des OPCI, malgré les similitudes rappelées plus haut, ce qui confère à chacun sa propre légitimité selon la stratégie poursuivie par l’investisseur. Le modèle d’investissement d’une société cotée, fortement dotée en capital social (15 M EUR au minimum) et dont l’actionnariat doit obligatoirement être dispersé[4] est évidemment différent de celui d’un fonds régulé pouvant être constitué avec peu de capital social, devant respecter, sous le contrôle de l’AMF, un certain nombre de ratios prudentiels plus ou moins contraignants selon sa nature (à règles de fonctionnement allégées ou non, avec ou sans effet de levier), géré par une société de gestion de portefeuille indépendante, et le plus souvent (en pratique) réservé à un petit nombre d’investisseurs avertis.

Leur régime fiscal n’est pas non plus strictement identique. Ainsi, les SIIC ont généralement un secteur d’activité taxable dans les conditions de droit commun, ne serait-ce qu’à raison de leurs excédents de trésorerie, alors que les OPCI sont totalement exonérés d’impôt – et ne sont pas tenus de distribuer les bénéfices autres que ceux provenant de leur activité foncière, ce qui permet d’exonérer les produits (financiers en pratique) qui échappent à cette obligation, jusqu’à leur imposition de fait à l’occasion de la cession des titres.

A noter également une différence de taille concernant les actionnaires personnes morales : tandis que les plus-values de cession d’actions de SIIC ouvrent droit à un taux d’imposition réduit (19%), quelle que soit la qualité de l’acquéreur, sous réserve de porter sur des titres de participation détenus depuis deux ans au moins, les actions de Sppicav sont soumises au taux d’imposition de droit commun de 33 1/3% (sauf cession dans le cadre de l’article 210 E).

Le régime des droits d’enregistrement penche de même en faveur des actions de SIIC, lesquelles, en l’absence d’acte, sont systématiquement exonérées de droits au moment de leur cession, ce qui n’est pas toujours le cas des actions de Sppicav[5]. Accessoirement, on relèvera que les SIIC et leurs filiales à 100% sont hors du champ de la taxe de 3%, contrairement aux Sppicav à règles de fonctionnement allégées, de loin la forme d’OPCI la plus répandue aujourd’hui.

Cela étant, dans un environnement de turbulences boursières et d’incertitudes sur la valorisation des actifs immobiliers, les OPCI ont clairement le vent en poupe. Ceux-ci résistent bien à la crise et se positionnent de ce fait en partenaire idéal des SIIC, qui restent confrontées au durcissement des conditions d’accès au crédit et à la nécessité qui en découle de trouver de nouvelles sources de financement pour les besoins de leurs investissements.

Ainsi, SIIC et OPCI peuvent, depuis le 1er janvier 2010, constituer des filiales communes. Jusqu’alors, cette possibilité ne leur était pas offerte, du moins dans le cadre du régime SIIC, dès lors que la loi réservait l’option pour ce régime aux sociétés détenues directement ou indirectement à 95% au moins, soit par une ou plusieurs SIIC, soit par une seule et même Sppicav.

On notera, à cet égard, que la filiale commune doit impérativement revêtir la forme d’une société de capitaux pour pouvoir profiter des avantages du système. La combinaison des articles 208 C III bis du CGI et L 214-92, I-c du Code monétaire et financier conduit en effet à exclure de l’option les sociétés de personnes soumises à l’IS, à la différence de celles qui sont détenues à 95% au moins par une ou plusieurs SIIC exclusivement. Quant aux SCI non soumises à l’IS, si leurs résultats bénéficient automatiquement du régime d’exonération par l’effet du mécanisme de translucidité fiscale dont elles relèvent, elles ne sont pas admises à procéder à des acquisitions « en 210 E ». Elles sont de même exclues du dispositif de neutralisation des plus-values de cession de certains actifs immobiliers entre personnes liées au sens de l’article 39, 12 du CGI et ayant opté pour le régime fiscal des SIIC.

En vertu de l’article L 214-92, I-c du Code monétaire et financier, l’actif de la filiale doit être composé à plus de 50% d’actifs immobiliers éligibles. Mais pour pouvoir se placer sous le régime SIIC dans les conditions admises par l’administration fiscale, cette proportion devra être de 80% au moins.

Il convient de porter une attention particulière aux dividendes prélevés sur les bénéfices et réserves provenant de l’activité accessoire, car s’ils sont compris dans les résultats du secteur taxable de la SIIC, tout en pouvant bénéficier de l’exonération mère-fille, l’OPCI doit de son côté les rattacher à ses bénéfices soumis à l’obligation de distribution à 100%. Or, d’une manière générale, les dividendes de Sppicav n’ouvrent pas droit au régime mère-fille. Il s’en suit, dans cette situation, que les résultats en question, après avoir été imposés au niveau de la filiale, subissent une nouvelle imposition entre les mains des actionnaires personnes morales de l’OPCI.

Il est dès lors recommandé de distribuer les bénéfices et réserves disponibles de la filiale avant son entrée dans le régime SIIC, voire d’éviter si possible d’y loger des activités non éligibles à ce régime[6].

On soulignera, également, que dans l’hypothèse où la filiale cède un immeuble à l’OPCI, la plus-value ne peut pas bénéficier du régime de neutralisation déjà évoqué ci-dessus (cf. infra également). Cette plus-value peut toutefois être exonérée (moyennant obligation de distribution de 50% de son montant) si l’OPCI n’exerce pas en droit ou en fait le contrôle direct ou indirect de la filiale. Dans le cas contraire, l’article 210 E est susceptible de s’appliquer (imposition à 19%). En sens inverse (Sppicav cédante et filiale cessionnaire), la plus-value est en toute circonstance exonérée et doit être distribuée à 50% au moins.

Dans l’hypothèse d’une cession par la filiale à la SIIC, ou inversement, la plus-value bénéficie, soit du régime d’exonération (SIIC « non contrôlante »), soit du régime de neutralisation (SIIC « contrôlante »). Ce dernier consiste, rappelons-le, en une non imposition de la plus-value chez la société cédante et une réintégration de cette même plus-value chez la société cessionnaire selon les règles du régime de faveur des fusions, c'est-à-dire sur quinze ans pour les constructions et les droits qui s’y rapportent, ou sur la durée moyenne pondérée d’amortissement du bien considéré lorsque la plus-value afférente aux constructions et éléments assimilés pris dans leur globalité (structure et composants) excède 90% de la plus-value nette globale à réintégrer.

A côté de ces partenariats SIIC/OPCI qui ne vont pas manquer de se développer au cours des prochains mois, la combinaison des deux véhicules pourrait bien prendre une autre forme, liée aux contraintes inhérentes au statut SIIC. On sait, en effet, que 5 SIIC[7]ne respectent pas la condition de dispersion du capital social rappelée plus-haut et se trouvent donc, en 2010, dans une situation transitoire de suspension du régime d’exonération. Celles qui, d’ici-la fin de l’année, se seront  mises en conformité avec la loi réintègreront le régime, les autres en sortiront définitivement au risque de devoir supporter, qui plus est, un coût fiscal significatif. Pour ces dernières, la tentation de l’OPCI pourrait se faire jour, afin tout au moins de conserver un statut fiscal très proche de celui qu’elles avaient acquis en exerçant l’option.

D’autres SIIC de petite ou moyenne taille[8], non confrontées à cette difficulté, pourraient toutefois emprunter le même chemin pour répondre au souhait de leur actionnariat majoritaire de porter leur pourcentage de participation au-delà de 59,99%, ou en vue de se retirer de la cote et d’échapper, ce faisant, aux coûts et obligations qui en résultent. Dans un passé récent, trois opérations de cette nature ont d’ailleurs été initiées.

Une telle « mutation », si elle permet de quitter le cadre des SIIC jugé parfois trop contraignant pour des small cap, tout en conservant le bénéfice d’un régime fiscal presqu’identique, est néanmoins exposée à un coût fiscal élevé, surtout si elle intervient moins de dix ans après l’option SIIC. Elle soulève à cet égard des questions qui restent largement ouvertes et qui rappellent que, si les deux véhicules sont très similaires, il existe cependant une certaine étanchéité entre eux.

Aujourd’hui, le passage de SIIC à OPCI ne bénéficie en effet d’aucun régime de faveur. On doit donc tout d’abord tirer toutes les conséquences de la sortie du régime SIIC – imposition des résultats depuis le premier jour de l’exercice dans les conditions de droit commun et, si l’évènement se produit dans les dix ans suivant l’option, complément d’IS sur les plus-values latentes imposées lors de l’entrée dans le régime, imposition des résultats antérieurement exonérés et non encore distribués, taxation au taux de 25% des plus-values latentes acquises pendant le régime, diminuées d’un dixième par année civile écoulée depuis l’entrée dans celui-ci – ; il y a probablement lieu, ensuite, d’acquitter une nouvelle exit tax (19%), à tout le moins à hauteur des amortissements pratiqués pendant le régime SIIC, au titre de « l’entrée dans le régime OPCI ».

C’est l’un des aspects du régime qui doit encore faire l’objet d’aménagements, car il n’est guère compréhensible qu’une SIIC devenant OPCI s’expose à de telles conséquences, en dépit d’un régime fiscal demeurant quasiment inchangé. Le cadre des rescrits pourrait à cet égard utilement permettre d’obtenir l’assouplissement souhaité, à l’instar des solutions admises récemment par l’administration fiscale concernant le passage du statut de « SIIC mère » à celui de « SIIC fille » (rescrit n° 2009/61 du 20 octobre 2009) et la cession entre deux SIIC d’une filiale ayant opté (rescrit n° 2010/08 du 23 févier 2010).   


[1] Source : IEIF.

[2] On emploiera ci-après indifféremment les deux termes.

[3] CGI, art. 210 E.

[4] Pour éviter les SIIC captives, il est prévu que la participation directe ou indirecte d’un ou plusieurs actionnaires agissant de concert doit être inférieure à 60% du capital social et des droits de vote. En outre, il doit nécessairement exister un pourcentage minimum de flottant.

[5] La cession des actions d’une Sppicav n’est exonérée de droits d’enregistrement (au taux de 5%) que si l’acquéreur personne morale ou fonds détient et détiendra 20% au plus (10% s’il s’agit d’une personne physique) des actions de la société, directement et indirectement, avant et après l’acquisition.

[6] Etant toutefois précisé que l’obligation de distribution à laquelle la filiale est tenue à compter de son option SIIC ne porte que sur les revenus exonérés.

[7] Et peut-être prochainement 6.

[8] On sait qu’au 31 mars 2010, 14 SIIC totalisaient chacune moins de 100 M EUR de capitalisation boursière (source : IEIF).