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Le coworking ne peut pas tout

© D.R.

Le coworking comme fer de lance pour favoriser le retour de l’activité dans les territoires. C’est en substance ce que propose le gouvernement avec son programme national de développement des tiers-lieux à hauteur de 110 M€ sur trois ans qui a été dévoilé mercredi à l’occasion de la remise du rapport « Faire ensemble pour mieux vivre ensemble » par Patrick Levy-Waitz, président de la Fondation Travailler Autrement. Une idée séduisante sur le papier mais qui semble plus utopique que réaliste.

Commençons par le constat. « Le développement du mouvement des tiers-lieux n’est ni stabilisé, ni finalisé : des territoires ne sont pas encore couverts et de nombreux tiers lieux restent fragiles, souligne la synthèse du rapport. Plus ils sont éloignés des grandes métropoles régionales, plus leur modèle est complexe et leur équilibre économique, difficile à atteindre. » L’immobilier est identifié dans le document comme le principal poste de dépenses des tiers-lieux avec un poids moyen des loyers oscillant entre 40 et 60 %. Jusque-là, rien à (re)dire.

Passons à la solution : Pour contrecarrer cet état de fait et atteindre ses objectifs affichés, le gouvernement reprend une des propositions phares du rapport : encourager le développement de tiers-lieux structurants. Baptisés « Fabriques des territoires », ils accueilleraient des activités que les tiers-lieux environnants ne pourraient porter et auraient également pour mission de développer des partenariats avec d’autres lieux, d’accueillir des entreprises ou des administrations. Autant de missions qui nécessiteront de dépasser les quelques centaines de m² traditionnellement dévolus aux tiers-lieux des petites villes et villes moyennes. Mais quid du retour sur investissement ? C’est bien là que le bât blesse.

« Les financements État comme ceux de la Caisse des dépôts et consignations ou de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine portent encore des exigences de rentabilité à moyen terme trop élevées », reconnaît le rapport de Patrick-Levy Waitz. Il propose donc, avec l’appui de ces mêmes CDC et Anru, la mise en place d’un fonds d’investissement de type ISR (investissement socialement responsable) de 50 M€ qui accompagnerait les entrepreneurs et les collectivités souhaitant acquérir ou transformer un espace pour en faire un tiers-lieu. De quoi faciliter, sur le papier, la création d’une offre de locaux à faibles coûts grâce à l’acceptation d’une rentabilité minimum (loyers bas et mesures d’accompagnement). D’autres pistes sont avancées comme la mise à disposition de locaux par la collectivité, l’instauration d’un loyer progressif en fonction du chiffre d’affaires, l’allègement des taxes sur les tiers-lieux d’utilité sociale… Une sorte de boîte à outils financiers qui montre bien la complexité du sujet et qui a peu de chances de donner sa pleine mesure. Il suffit de prendre l’exemple d’ETIC Foncièrement Responsable pour s’en convaincre.

Lancée en 2010, cette entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus) crée, finance et gère des espaces de bureaux et de commerce « à haute qualité sociale et environnementale » dans lesquels les locataires bénéficient de loyers modérés, de baux flexibles, mutualisent équipements et services, et travaillent en synergie. Très sollicitée, ETIC Foncièrement Responsable étudie une quarantaine de projets en France. Mais tous ne se concrétiseront pas, soit parce qu’ils ne répondent pas aux exigences RSE de la société, soit parce que… l’équilibre économique n’est pas avéré.

Alors qu’ETIC Foncièrement Responsable ouvre un à deux nouveaux centres par an depuis 2015 et devrait rester sur ce rythme pour les prochaines années, il apparaît peu probable que le gouvernement réussisse à favoriser la création de 300 Fabriques des Territoires en trois ans. Ou alors nous nous retrouverons une fois encore avec un gaspillage d’argent public. Gênant pour un gouvernement qui se dit en rupture avec « l’ancien monde ».