Business Immo, le site de l'industrie immobilière
William Stenner - Cabinet Taj

Le démembrement de propriété après la réforme de la TVA immobilière

La TVA immobilière a été réformée par une loi du 9 mars 2010 afin de mettre en conformité les règles françaises avec le droit communautaire et de simplifier une matière réputée particulièrement technique.

Si la simplification ne ressort pas immédiatement à la lecture de l’instruction fiscale de 44 pages publiée le 30 décembre dernier, il n’y a en revanche aucun doute quant au fait qu’il s’agit d’un impôt nouveau et que les anciens réflexes doivent être abandonnés.

Le démembrement de propriété ne fait pas exception à ce constat. Sous l’empire des anciennes règles, la TVA et le démembrement de propriété entretenaient des relations pour le moins discrètes. En effet, dans le meilleur des cas, aucun avantage particulier n’était à relever et, dans le pire des cas, le démembrement de propriété générait un coût de TVA que l’on avait tôt fait de relativiser avec les autres avantages juridiques et fiscaux en résultant.

Cette situation n’était toutefois pas satisfaisante. En effet, il n’était pas logique de constater un coût de TVA lorsque l’immeuble était utilisé pour des opérations soumises à la taxe. Une telle situation se heurtait aux fondamentaux même de cet impôt qui repose sur le droit à déduction de la taxe d’amont afin que la TVA ne constitue pas une charge pour les entreprises.

Consciente de ces difficultés, mais soucieuse de prévoir une mécanique qui ne créerait pas de « jackpots » de TVA, l’administration fiscale a accepté de faire évoluer sa position antérieure pour qu’au final, la TVA ne constitue plus un coût dans les opérations de démembrement portant sur les immeubles d’activité. Les grincheux se plaindront de la grande complexité des nouvelles règles qui reposent sur des mécanismes de régularisations et de transferts de TVA entre le nu-propriétaire et l’usufruitier. Laissons cependant la technique aux experts et concentrons-nous sur les enjeux. Ces nouvelles règles permettent de réparer précisément les défauts antérieurs.

Dorénavant, lorsque l’immeuble faisant l’objet du démembrement est utilisé pour une activité ouvrant droit à déduction de la TVA (la location d’un immeuble soumise à la TVA par exemple, ou encore une activité industrielle ou commerciale), ni le démembrement de propriété ni l’extinction de l’usufruit ne devrait créer de déperdition de TVA. Ainsi, lorsque le propriétaire d’un immeuble de bureaux achevé depuis moins de 5 ans cède l’usufruit contre rémunération pour une période de 15 ans, l’usufruitier continuant la location soumise à la TVA, l’opération s’envisagera comme suit. La constitution de l’usufruit est soumise à la TVA et cette TVA est récupérable dans les conditions de droit commun par l’usufruitier. Un montant de TVA qui provient de l’acquisition de l’immeuble est également attaché à la nue-propriété qui est conservée par le propriétaire qui a procédé au démembrement. Cette TVA doit faire l’objet d’un reversement à l’administration fiscale, le nu-propriétaire étant présumé ne pas utiliser ce droit pour la réalisation d’une opération soumise à la TVA. Toutefois, cette TVA peut être transférée à l’usufruitier via une attestation. Celui-ci pourra alors déduire cette TVA dans les conditions de droit commun et rembourser le montant correspondant au nu-propriétaire.

Au final, le démembrement n’a donc pas déclenché de coût de TVA. Une autre analyse aurait pu être retenue. Ainsi, au cas particulier, le démembrement aurait pu être assimilé à une location de 15 ans soumise à la TVA qui n’aurait déclenché aucun reversement de TVA chez le propriétaire procédant à l’opération. Cette analyse permet cependant, dans certains cas, l’« évaporation » d’une partie de la TVA supportée lors de l'acquisition ou de la construction de l’immeuble. Or, l’administration fiscale n’était pas prête à accepter une telle « évaporation » lorsque l’usufruitier utilise l’immeuble pour ses besoins privés ou pour des activités n’ouvrant pas droit à déduction de la TVA. Imaginons l’acquisition d’un immeuble d’habitation pour un montant de 1 000 k€ assortie d’une TVA de 196 k€. La cession d’un usufruit pour 20 ans contre un prix – imaginaire – de 800 k€ assorti d’une TVA de 157 k€ aurait permis de récupérer une TVA de 39 k€ (i.e. 196 k€ - 157 k€) alors qu’en principe une location à usage d’habitation est une opération exonérée de la TVA qui ne permet pas de récupérer la TVA d’amont.

Reprenons, à présent, la première opération de démembrement envisagée ci-dessus pour la considérer dans le sens inverse. Envisageons donc le cas dans lequel le propriétaire d’un immeuble de bureaux achevé depuis moins de 5 ans cède la nue-propriété contre rémunération et conserve l’usufruit pour une période de 15 ans, afin de continuer la location soumise à la TVA. La constitution de la nue-propriété est soumise à la TVA mais l’administration fiscale considère que cette TVA n’est pas récupérable par le nu-propriétaire. Cette TVA peut cependant être transférée à l’usufruitier via une attestation. Celui-ci pourra alors déduire cette TVA dans les conditions de droit commun et rembourser le montant correspondant au nu-propriétaire. Une fois encore, le démembrement n’a pas, au final, déclenché de coût de TVA. Une autre analyse aurait pu également être retenue. On aurait, en effet, pu considérer que la cession de la nuepropriété n’avait aucune conséquence en matière de TVA dans la mesure où l’immeuble demeurait utilisé à une location soumise à la TVA et la constitution de la nue-propriété ne permettait pas de transférer au nu-propriétaire « le pouvoir de disposer de l’immeuble comme un propriétaire ». Une telle analyse était cependant en contradiction avec la loi qui venait d’être adoptée par le parlement et qui assimilait, pour les besoins de la TVA, et de manière un peu rapide peut-être, la nue-propriété à l’immeuble…

Enfin, il restait à mettre en place un mécanisme permettant d’éviter tout coût de TVA à l’extinction de l’usufruit lorsque le propriétaire continue d’affecter l’immeuble à une activité ouvrant droit à déduction de la TVA. Il faut, en effet, garder en mémoire qu’une TVA supportée au titre de l’acquisition ou de la construction d’un immeuble doit être suivie sur une période de 20 ans. Dans notre exemple, l’usufruit s’éteint au bout de 15 ans. « 5 ans de TVA » doivent donc encore être suivis. Cette TVA provient, pour partie, du droit d’usufruit et pour partie du transfert opéré par le nu-propriétaire. Ces « 5 ans de TVA » auraient pu constituer un coût pour l’usufruitier. Toutefois, les mécanismes de dispense de TVA, dans certains cas, ou de régularisations chez l’usufruitier et chez le nu-propriétaire permettent d’éviter ces difficultés… sous réserve, cependant, de la mise en place des flux financiers adéquats entre les parties. La neutralité TVA d’une opération de démembrement semble donc être atteinte mais au prix de la simplicité.


Tous les articles du magazine Business Immo #73

Acheter le magazine Business Immo #73

S'abonner à Business Immo

Mots-clés : Magazine 73