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Par Omar Fjer, Ardian Real Estate

Le bureau n’est pas un ennemi de la ville du quart d’heure, c’est un allié !

Vue sur une rue de la capitale. © DR

Le Pacte pour la construction parisienne, récemment présenté par Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, pose les ambitions de la nouvelle équipe municipale pour cette nouvelle mandature et sa vision de l’urbanisme du quart d’heure. Si les objectifs de création de mixité, d’interface entre les différents publics et de lutte contre le réchauffement climatique ne peuvent être que partagés par tous, il nous semble néanmoins que pour les atteindre, la Ville se trompe de combat en imposant de lourdes contraintes aux projets de restructuration d’immeubles tertiaires, les rendant plus compliqués à réaliser, avec une équation économique de plus en plus précaire, ce qui n’aura pour conséquence que d’éloigner la capitale de ses objectifs.

L’équipe municipale milite pour davantage de logements à Paris, en imposant notamment la création de logements sociaux pour tout type d’opération de restructuration à partir d’un certain seuil, comme défini dans ce nouveau pacte. Or, avec 17 % de taux de vacance de logements à Paris, on aurait imaginé que la Ville souhaite d’abord s’attaquer à ce problème avant d’encourager la création de nouveaux logements.

Ainsi, les efforts avancés par la Ville dans ce nouveau pacte en matière de constructions d’offres de logements apparaissent comme disproportionnés compte tenu de la vacance actuelle de l’offre de logements à Paris. Imaginez donc : en doublant le stock total de logements (environ 1,4 million) de la ville, Paris afficherait encore plus de 8 % de taux de vacance ! Autant de logements non occupés, utilisés en locations saisonnières, pied-à-terre, ou maisons secondaires alors qu’ils pourraient être occupés par des Parisiens !

Si des actions ont été menées pour traiter ce problème avec la mise en place de mesures fiscales adaptées et des contrôles renforcés, force est néanmoins de constater leur échec. Le phénomène ne s’est pas réduit malgré quelques condamnations. Seule, peut-être, la crise sanitaire a pu aider la ville, en éloignant temporairement les touristes étrangers aisés de la capitale, poussant ainsi les propriétaires à remettre leurs biens sur le marché de la location longue durée.

À l’inverse, Paris manque cruellement de bureaux. Le taux de vacance atteint désormais 4,6 % Paris intra-muros, et ce même après la crise sanitaire du Covid19. Cette pénurie d’offre de bureaux s’est notamment traduite par une hausse générale des loyers de bureaux au cours des dernières années, atteignant désormais plus de 900 €/m2/an dans le Quartier central des affaires, un record historique. Cela a naturellement plusieurs conséquences : d’une part, cela obère fortement la rentabilité des entreprises parisiennes locataires et limite l’attractivité de la Ville. Alors que les entreprises réclament des baisses de charges, pourquoi ne pas se concentrer sur les loyers, deuxième poste de charges fixes ? D’autre part, de nombreuses entreprises ont tendance alors soit à s’exiler à l’extérieur de Paris, soit à conserver des locaux réduits en intra-muros, souvent pour y loger les fonctions de directions (correspondant aux revenus les plus élevés), et à transférer une grande partie des équipes dites de support (back office, etc.) sur des sites à l’extérieur de Paris. Socialement, cela revient à dire que seuls les plus riches ont le droit de travailler à Paris. Et enfin, cela met un sérieux coup d’arrêt à la ville du quart d’heure chère à Anne Hidalgo.

On peut légitimement penser que madame la maire n’a pas pour ambition que ses administrés passent 1h dans les transports ou, pire, en voiture pour rejoindre La Défense, Saint-Ouen ou Gentilly où iront leurs entreprises. De plus les arrondissements où le taux de vacance des bureaux est le plus faible, correspondent souvent aux arrondissements où le taux de vacance des logements est le plus fort. Limiter la production de bureaux dans ces arrondissements n’aura pas pour effet d’améliorer la situation de l’habitat, là où il faudrait surtout que les logements vacants soient occupés.

Le bureau n’est pas un ennemi de la ville du quart d’heure ; c’est l’un de ses meilleurs alliés. Si l’on souhaite que les gens puissent habiter à Paris, ils doivent pouvoir y consommer, y trouver leurs loisirs, mais aussi et surtout pouvoir y travailler. Les entreprises doivent pouvoir continuer à conserver leurs emplois dans Paris, tant pour les cadres dirigeants que pour les employés. Pour cela, il faut que la ville puisse proposer des espaces de bureaux qualitatifs à des loyers abordables. Le stock d’immeubles de qualité (restructurés, offrant une qualité de vie optimale pour les occupants de l’immeuble) est particulièrement faible à Paris comparé à des villes comme Londres ou Francfort. Cette pénurie les réserve donc aux entreprises pouvant s’acquitter des loyers les plus élevés (et donc souvent aux salariés les plus aisés). Les emplois destinés aux revenus plus modestes, s’ils n’ont pas été délocalisés hors de Paris, sont ainsi voués à occuper des immeubles obsolètes où les conditions de travail sont moins agréables.

Pour y remédier, la Ville devrait ainsi inciter les propriétaires à restructurer leurs immeubles, augmentant ainsi l’offre locative de qualité et ramenant naturellement les loyers à des niveaux plus attractifs. Pour cela, la densification semble la meilleure option. Elle permettrait de maintenir des loyers maitrisés tout en finançant les travaux de restructuration, améliorant les performances énergétiques des bâtiments et permettant donc d’atteindre les objectifs environnementaux fixés par le pacte d’Emmanuel Grégoire.

Paris ne souffre pas d’un excès de bureaux, Paris souffre d’un nombre trop important de logements vacants !

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