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Par Amélie de Baudry d’Asson, Dentons Europe

L’heure du glas du RIE a-t-elle sonné  ?

Pendant de nombreuses années, le RIE ou restaurant interentreprises était un «  must  » dans l’immobilier tertiaire. Or ces dernières années, la tendance s’est inversée et ce phénomène a été fortement accéléré par la pandémie du Covid-19 et les politiques de télétravail en découlant, ainsi que l’émergence de nouvelles offres de restauration. Avec des enjeux juridiques pour conséquence…

Un RIE dans un immeuble de bureaux à Villeurbanne © Le Patio - Ouadah

La gloire passée du RIE et les montages juridiques associés 

La mise en place d’un RIE au sein des immeubles tertiaires, principalement de bureaux, a été préconisée pendant longtemps par bailleurs et preneurs. Les locataires étaient demandeurs de cette offre de restauration in situ, permettant à leurs employés et collaborateurs de se restaurer dans l’immeuble sans perte de temps, avec un contrôle des coûts et de la qualité associés. Pour les bailleurs, cela favorisait la valorisation de leur actif pour la revente et aidait à sa commercialisation locative. 

Juridiquement, le montage contractuel classique reposait sur les contrats suivants  :  

  • Convention de groupement pour la gestion du RIE (généralement sous forme de groupement d’intérêt économique ou d’association) réunissant le propriétaire et les locataires, voire parfois même des membres extérieurs à l’immeuble  ;  
  • Contrat de mise à disposition des locaux du RIE (espace de restauration et cuisines) entre le propriétaire et le groupement du RIE  ; 
  • Contrat de prestation de services de restauration conclu entre le représentant du groupement du RIE (mandataire) et l’exploitant restaurateur type Sogeres. 

En outre, les baux commerciaux conclus avec les locataires prévoyaient une redevance RIE (intégrée ou en sus du loyer), ainsi que la participation aux charges afférentes au fonctionnement du RIE, à son entretien et au remplacement de ses équipements. Un contentieux nourri s’est même créé s’agissant de l’obligation d’adhérer et rester membre de l’association gérant le RIE, en contrariété avec la liberté d’association consacrée par notre Constitution.  

Cette mécanique bien huilée est aujourd’hui repensée, voire déconstruite.  

Déclin du RIE et apparition d’offres alternatives

Le déclin du RIE s’explique par une combinaison de facteurs. L’essor du télétravail, dopé de manière drastique par la pandémie de deux ans, a conduit les locataires à réduire leurs besoins d’expansion locative : restitution de surfaces en cours de bail, renonciation à des projets de prise à bail de surfaces plus importantes, etc.   

Confrontés à ce rétropédalage de leurs preneurs, les bailleurs ont vu l’utilisation de leurs RIE s’amoindrir de plus en plus, et leurs locataires remettre en cause les montants de redevance et charges associés. Les propriétaires ont ainsi considéré les surfaces immobilisées par le RIE comme une perte d’espace et donc de rentabilité.  

Ils ont également constaté l’émergence sur le marché d’offres alternatives de restauration proposées par diverses entreprises en B to B et/ou B to C  :  

  • Livraison de repas de qualité dans les locaux (type Frichti),
  • mise à disposition de frigos contenant des denrées à consommer sur place (type Foodles), 
  • Exploitation directe des cuisines de l’immeuble au travers d’un contrat de bail pour préparer les repas pouvant être vendus aux utilisateurs de l’immeuble ainsi qu’à d’autres (les fameuses Dark Kitchens). 

Conséquences juridiques de la déconstruction du RIE 

Juridiquement, la déconstruction du RIE conduit à résilier les contrats associés présentés ci-dessus, amender les baux passés avec les locataires et conclure de nouveaux contrats avec les prestataires offrant les nouvelles offres de restauration. 

Surtout, l’enjeu juridique se concentre sur le changement de destination requis par l’exploitation des cuisines de l’immeuble par ces entreprises. En effet, ces cuisines étaient jusqu’alors rattachées à la destination principale exclusive de bureaux de l’immeuble autorisée par permis de construire. En faisant l’objet d’un contrat de bail commercial à usage de cuisine, la donne change, car les cuisines sortent du faisceau de bureaux pour entrer dans une exploitation commerciale. 

Les bailleurs se retrouvent alors confrontés à l’obligation de déposer une demande de changement de destination (déclaration préalable ou permis de construire selon la nature des travaux envisagés), avec le risque de recours associés. 

Le RIE continue donc à soulever de nouveaux enjeux pour les propriétaires et occupants des immeubles tertiaires. Au-delà de la rentabilité financière associée, les enjeux juridiques sont à maitriser et à anticiper notamment en termes de calendrier associé au changement de l’offre de restauration dans l’immeuble. Mais Rome ne s’est pas faite en un jour…