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Par Émilie Vazquez, fondatrice du Shack

Le bureau du futur sera plus qu’un lieu de travail

Métro, boulot, dodo : durant des décennies, l’équation était simple. Le bureau était une commodité du quotidien, interchangeable d’une entreprise à l’autre, d’un employé à l’autre. Et puis la pandémie de Covid-19 a tout changé, en accélérant un mouvement déjà amorcé vers des modes de travail hybrides et nomades. Désormais, le retour au monde d’avant est impossible : pour les salariés, le bureau n’est plus qu’une option parmi d’autres. Pour les entreprises, cette lame de fond sociétale constitue une puissante incitation ainsi qu’un contexte propice à changer de paradigme et à imaginer les espaces de travail du futur.

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À l’occasion de la crise sanitaire, beaucoup de salariés ont expérimenté le travail à distance, à leur domicile ou dans une multitude d’espaces. Ils en ont validé les avantages, tant du point de vue de leur équilibre personnel que de leur efficacité professionnelle. Pour autant, ils ont souvent conscience que le travail collectif, en présence des autres, reste essentiel à la dynamique collective, au sentiment d’appartenance et à la socialisation. Si tout ne se passe plus au bureau, ce dernier n’est pas pour autant voué à disparaître, bien au contraire : juste à se transformer. Il doit devenir un lieu de rencontres, d’échanges, de collaboration, en d’autres termes un social hub. Un lieu également où l’on se reconnecte avec son entreprise et ses collègues, où l’on trouve les outils et le sens qui font parfois défaut au travail solitaire. Un lieu, enfin, où l’on peut se ressourcer, reprendre son souffle et régénérer ses idées pour continuer à donner le meilleur de soi-même.

Transformer les bureaux en hub social

À rebours de ces aspirations, certaines entreprises tentent de forcer un retour au bureau « d’avant ». Ce faisant, elles courent le risque de perdre la guerre des talents. Pour les attirer, les fidéliser, les engager, il faut traiter ses salariés comme des clients et répondre à leurs attentes en prenant en compte leurs nouveaux besoins : nomadisme, flexibilité, possibilité de travailler à partir d’une multitude d’endroits, importance du collectif au bureau… Aux côtés des politiques RH usuelles (rémunération, carrière, formations…), l’environnement de travail fait indéniablement partie de ces atouts. Pour inciter les collaborateurs à venir et revenir au bureau aussi souvent que nécessaire, il faut leur proposer un lieu convivial et attractif qui soit aisément accessible, qui leur apporte tous les outils et les services dont ils ont besoin tout au long de la journée, et qui soit visiblement conçu à leur intention. Ces nouveaux « hub sociaux » – inventés pour faciliter le travail en équipe et la cohésion – doivent être perçus par les talents comme des lieux de rencontre dans lesquels ils ont plaisir à revenir. Ces espaces réinventés doivent tout autant incarner les valeurs et l’esprit de l’entreprise que les transformations profondes de la société.

Si le home office s’est largement démocratisé lors des différents confinements, le télétravail, lui, est encore en mutation. Les collaborateurs sont de plus en plus nomades, leur poste de travail n’est plus le seul endroit depuis lequel ils peuvent et souhaitent travailler. Le télétravail permet aux employés de multiplier les rencontres dans des lieux divers, tels que des lobbys d’hôtels, des espaces de coworking… en phase avec les besoins à l’instant T des talents.

Dans cette perspective, il y a certainement beaucoup à apprendre du secteur de l’hôtellerie, qui sait créer des lieux à usages multiples, à la fois publics et intimes, standardisés et personnalisés, et offrir des services innovants, en phase avec les usages des clients : fast-checking, inscription et commandes de services en ligne, badges d’accès éphémères… Pour cela, les hôteliers savent jouer avec dextérité de tous les leviers disponibles : localisation, aménagement de l’espace, décoration, mobilier, services, technologie, personnel… Le monde de l’hospitalité peut assurément être une source d’inspiration et de solutions pour faire du bureau un lieu de vie et de travail conciliant harmonieusement les exigences de performance collective et de bien-être individuel.

Le chemin est encore long dans le monde de l’immobilier

De plus en plus de bailleurs et de foncières prennent conscience de l’importance de s’inspirer de cette approche. Pour commercialiser des mètres carrés, il leur faut désormais y associer un hub social de services. Or, ceci est loin d’être facile du fait de la multiplicité des besoins potentiels, surtout lorsque l’immeuble est multi-occupants. Toutes les entreprises locataires souhaitent-elles un restaurant ? Si oui, du même standing ? Et le même type d’accueil ? Une conciergerie ? Une salle de sport ? Un atelier vélo ? La fragmentation des usages et la personnalisation des prestations rendent très complexe pour un propriétaire bailleur d’adresser l’éventail complet des services de façon simple et efficace.

En outre, il faut prendre en compte la volonté de plus en plus marquée des entreprises de flexibiliser leurs coûts immobiliers. Elles sont – et seront – de moins en moins enclines à s’engager sur des baux fermes de longue durée, et préféreront payer le prix du non-engagement et de la liberté. Délaissant les « grands paquebots » trop souvent déserts, elles optent pour des bureaux plus petits, plus modulaires, et plus proches des centres-villes. Idéalement, elles souhaiteraient avoir la possibilité d’en réduire ou d’en étendre la surface au gré de leurs besoins, ne payer certains espaces spécifiques qu’à l’usage, en pay per use, pouvoir activer ou résilier les services en fonction des demandes de leurs salariés… Le nouvel enjeu des entreprises est, pour les bailleurs, d’organiser cette flexibilité en rupture avec le modèle traditionnel des transactions immobilières et constitue un degré de complexité contractuelle et pratique supplémentaire.

Malgré ces difficultés, les professionnels de l’immobilier de bureau comme les entreprises n’ont d’autres choix que de prendre en compte ces nouvelles tendances en gardant le collaborateur/client en point de mire. Autrement dit, en se plaçant dans une logique BtoBtoC pour les premiers, BtoC pour les secondes. Pour relever ce défi, il leur faudra faire appel à des prestataires dont l’hospitalité est le cœur de métier, capables de les aider à créer des espaces qui seront plus que des lieux : des lieux de vie, aux possibilités enrichies et sans cesse réinventées.

Fille de Philippe Bourguignon, ancien dirigeant du Club Med et de Disneyland Paris, Émilie Vasquez a commencé sa carrière chez Noos TV puis chez Bouygues Telecom avant d’intégrer le groupe Accor en 2008, où elle a gravi les échelons jusqu’à devenir Senior Vice President en charge du e-commerce et du digital. Elle a quitté ce poste en 2020 pour créer le Shack, un espace de « well working » qu’elle imagine comme une oasis urbaine où l’on peut lire, travailler, manger et sortir.


Article issu du numéro 185 de Business Immo Global.

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