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Olivier Mesmin et Christine Daric, Baker & McKenzie

Les lois de finances 2013 et l’immobilier : Choc de compétitivité ou choc fiscal ?

Depuis deux ans, plusieurs constats peuvent être faits sur l’évolution de la fiscalité en France :

• La charge fiscale est en constante augmentation tant pour les entreprises que pour les particuliers et cette augmentation s’est particulièrement accentuée dans les lois de finances de fin d’année.

• Pas moins de quatre lois de finances en 2012 et cinq en 2011 : cette inflation législative sans précédent est source d’une instabilité fiscale déstabilisatrice pour les investisseurs. A titre d’exemple, le taux des droits d’enregistrement applicable aux cessions d’actions de sociétés non à prépondérance immobilière a changé trois fois en six mois en 2012!

• La plupart des mesures votées en fin d’année sont applicables aux exercices clos à compter du 31 décembre et couvrent donc l’année qui vient de s’écouler. Elles s’appliquent aux investissements existants et aux contrats en cours. La rétroactivité, si elle est exclue sur le plan constitutionnel, existe dans les faits.

• Certaines dispositions votées sont annulées avant même d’entrer en vigueur.

• De plus en plus de textes sont peu clairs et sources d’insécurité juridique. La nouvelle assiette pour les droits d’enregistrement lors de la cession de parts de société à prépondérance immobilière entrée en vigueur le 1er janvier 2012 soulèvent de très nombreuses questions d’application qui sont aujourd’hui sans réponse.

• La navette parlementaire ne joue plus son rôle depuis le changement de majorité au Sénat qui rejette régulièrement l’ensemble de la loi de finances sans en examiner les articles un à un.

• Sept articles des lois de finances de fin d’année ont été intégralement censurés par le Conseil constitutionnel.

Nous vous proposons, dans ce contexte, de passer en revue les principales dernières mesures fiscales qui impactent le secteur de l’immobilier.

I. Une taxation plus lourde des dividendes pour les entreprises !

Depuis le 17 août 2012, les montants distribués ou réputés distribués par les sociétés et organismes français passibles de l’impôt sur les sociétés en France sont soumis à une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au taux de 3 %. Le champ d’application de cette contribution et ses modalités d’application et d’exonération vous ont été présentés dans le n°[85] de votre magazine Business Immo de septembre 2012.

L’un des quatre cas d’exonération permanente prévus par le texte vise les distributions effectuées par les filiales de sociétés d’investissements immobiliers cotées («SIIC»), bénéficiant à une SIIC ou à une autre filiale de SIIC.

L’article 36 de la 4e loi de finances rectificative pour 2012 étend provisoirement le champ d’application de l’exonération aux montants distribués par les SIIC elles-mêmes et les filiales de SPPICAV pour satisfaire à leurs obligations de distributions dont la mise en paiement intervient entre le 1er janvier et le 31 décembre 2013.

II. Une non-déductibilité des charges financières renforcée !

Un nouveau régime de limitation de la déductibilité des charges financières engagées par les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés est introduit par l’article 23 de la loi de finances pour 2013 lorsque le montant total des charges financières nettes excède 3 M€. Il s’agit d’un seuil de déclenchement et non d’une franchise. Les charges financières nettes s’entendent comme le total des charges financières venant rémunérer les sommes laissées ou mises à disposition de l’entreprise, diminué du total des produits financiers venant rémunérer des sommes laissées ou mises à disposition par l’entreprise.

Le montant des loyers, diminué de l’ensemble des frais facturés par le bailleur et du montant de l’amortissement pratiqué par ce dernier, est assimilé à des charges financières s’agissant d’opérations de crédit-bail, de location avec option d’achat portant sur des biens mobiliers ou immobiliers, ou de locations de biens mobiliers conclues entre entreprises liées. Cependant, les charges financières afférentes aux locations entre entreprises liées portant sur des biens immobiliers sont exclues du champ d’application de limitation de la déduction.

Ce dispositif s’applique après prise en compte des autres régimes de limitation de déductibilité des charges financières (sous-capitalisation / frais d’acquisition de titres de participation).

La déductibilité est limitée à 85 % du montant des charges financières nettes pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2012, et à 75 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2014.

Il convient de noter que les intérêts non déductibles au titre de cette nouvelle mesure sont définitivement perdus.

Enfin, le dispositif de limitation ne s’applique pas aux sommes payées entre sociétés membres d’un groupe d’intégration fiscale. Toutefois, s’agissant des autres charges financières, le dispositif s’applique dans les mêmes conditions. Ainsi, chaque société doit individuellement déterminer le montant des charges financières nettes afférentes aux sommes laissées ou mises à disposition par des personnes, physiques ou morales, extérieures au groupe. Le seuil des 3 millions est apprécié au niveau du groupe via la somme des charges financières nettes individuelles et la réintégration se fait au niveau du résultat d’ensemble.

III. Des modalités d’imputation des déficits une nouvelle fois restreintes !

L’imputation des déficits reportables est limitée, au-delà d’un montant de 1 M€, à un pourcentage des bénéfices réalisés au cours de l’exercice. Le pourcentage de 60 % a été ramené à 50 % pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2012. Cette limitation dans la faculté d’imputation des déficits a un effet pervers lors de la reprise de provisions ayant été considérées comme fiscalement déductibles, en cas de réalisation de plus-values importantes ou de cessation d’activité.

A noter qu’une mesure d’assouplissement a été introduite quand une entreprise consent des abandons de créances au profit d’entreprises en difficulté.

IV. Plus values immobilières des particuliers : le choc d’offre foncière risque de ne pas être au rendez-vous !

On se souvient de l’annonce faite par le gouvernement promettant un « choc d’offre foncière » en 2013 et 2014 afin de pallier la pénurie de terrains constructibles et ce, afin de faciliter la construction de logements. Le dispositif prévu par l’article 15 de la loi de finances pour 2013 prévoyait ainsi que les plus-values réalisées par les particuliers lors de la cession de terrains à bâtir en 2013 et 2014 ne bénéficieraient plus de l’abattement pour durée de détention tout en restant imposables au taux proportionnel de 34,5 % (charges sociales comprises). A compter de 2015, les mêmes plus values devenaient imposables à l’impôt progressif sur le revenu. L’incitation fiscale sur 2013 et 2014 ne consistait donc pas en une diminution de l’impôt sur la période, mais en l’instauration d’une imposition plus lourde à compter de 2015. Or, le Conseil constitutionnel a considéré que cette imposition qui aurait pu atteindre tout impôt confondu 82 % de la plus value était confiscatoire et a donc censuré l’intégralité de l’article 15.

Cet article 15 ainsi censuré prévoyait par ailleurs, l’application d’un abattement exceptionnel en 2013 de 20 % sur les plus values réalisées lors de la cession de biens immobiliers autres que les terrains à bâtir. L’on s’attendait à ce qu’un dispositif de cette nature s’applique sur les cessions de terrains à bâtir afin de créer ce fameux « choc d’offre foncière » et non sur les cessions de biens bâtis. N’étant pas à une contradiction près, le législateur dans la loi de finances rectificative pour 2012 a prévu par ailleurs, à compter de 2013, l’application d’une sur taxe allant de 2 % à 6 % de la plus value réalisée lors de la cession d’un bien immobilier autre qu’un terrain à bâtir. Le taux de la sur-taxe dépend du montant de la plus value réalisée. Ainsi, en 2013, devaient s’appliquer à la fois un abattement exceptionnel de 20 % et une sur-taxe de 2 % à 6 % lors de la cession de biens immobiliers autres que des terrains à bâtir.

L’article 15 ayant été censuré dans sa totalité, il ne reste plus que la sur-taxe. Il n’est pas certain que cela contribue au « choc d’offre foncière » annoncé.

V. Droits d’enregistrement sur cession de parts de SPI : des règles toujours dans l’attente de clarifications !

Depuis le 1er janvier 2012, le droit d’enregistrement de 5 % perçu lors de la cession de parts de sociétés françaises ou étrangères à prépondérance immobilière (SPI) est calculé sur une assiette distincte du prix de cession, à savoir : la valeur réelle des actifs immobiliers détenus directement ou indirectement par la SPI et des autres actifs de cette SPI sous déduction uniquement du passif afférents à l’acquisition des actifs immobiliers. De nombreuses questions se posent dans les cas où la dette d’acquisition a été refinancée ou lorsque la dette a servi à financer des travaux ou la construction de l’immeuble. Par ailleurs, la formule de calcul n’est pas adaptée en cas de cession de plusieurs étages de sociétés. Enfin, si la cession de parts de SCPI ouverte au public est expressément exclue du champ d’application du texte, la question reste posée concernant les actions de SPPICAV.


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