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La Cour de cassation reconnaît la réciprocité de l'indexation d’un bail commercial

La révision du loyer en cours d'un bail commercial est régie d'une part, par l'article L.145-38 du Code de commerce, lequel détermine les modalités de révision de droit commun, dite triennale, d'autre part, par les articles L.112-1 et suivants du Code monétaire et financier, ainsi que l'article L.145-39 du Code de commerce, applicables aux baux commerciaux comportant une clause d'échelle mobile.

L'existence d'une clause d'échelle mobile, aux termes d'un bail commercial, sa validité et les conditions de sa mise en application par le bailleur fait l'objet d'un large contentieux. En effet, la position tant de la jurisprudence, que de la doctrine était incertaine quant à la validité d'une clause d'indexation ne prévoyant qu'une variation à la hausse du loyer.

Ainsi, certaines cours d'appel retenaient le caractère non écrit de la clause d'indexation excluant la réciprocité de la variation du loyer.

Tel était le cas, notamment, de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui précisait que l'action visant à réputer non écrite la clause d'indexation pouvait être intentée à tout moment, contrairement à l'action en répétition de l'indu qui est soumise à la prescription quinquennale (CA Aix-en-Provence, 11ème Ch. A, 15 mars 2013 : RG n° 11/06632).

La Cour d'appel de Versailles estimait quant à elle que la clause d'indexation qui ne jouerait qu'à la hausse restait valable au regard de l'article L.112-1 du Code monétaire et financier, puisque la variation de l'indice était toujours annuelle, ce qui correspondait à la période de révision stipulée au bail, mais que seule une partie de la clause devait être déclarée non écrite, en ce qu'elle interdisait la variation à la baisse (CA Versailles, Ch. 12, 10 mars 2015 : Juris-Data n°2015-006847).

Le raisonnement de la Cour d'appel de Versailles se rapproche de celui de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, mais sans pour autant aboutir à la même conclusion.

De son côté, la Cour d'appel de Paris retenait que la clause stipulant l'indexation, uniquement à la hausse, n'était pas nulle, dès lors que la limitation de la variation aux seules hypothèses où l'indice augmente, si elle pouvait ouvrir un débat sur le licéité de la clause, ne suffisait pas à lui enlever sa nature de clause d'échelle mobile, au sens de l'article L.145-39 du Code de commerce.

Ainsi, la Cour d'appel de Paris concluait que ladite clause ne saurait donc faire obstacle à la révision du loyer, afin qu'il soit fixé à la valeur locative (CA Paris, Pôle 5 Ch. 3, 28 mai 2014 : Juris-Data n°2014-012309 ; CA Paris, Pôle 5 Ch. 3, 3 avr. 2013 : Juris-Data n°2013-006386).

La position des juges du fond était donc incertaine et une position de la cour suprême était attendue. C'est chose faite depuis le 14 janvier 2016.

La position clairement exprimée de la Cour de cassation

La Cour de cassation a, dans son arrêt du 14 janvier 2016, tranché la question de la validité d'une clause d'indexation, d'un bail commercial, excluant la réciprocité de la variation du loyer. Elle a ainsi déclaré nulle la clause précitée, laquelle stipulait, en l'espèce, que le loyer ne pouvait être révisé qu'à la hausse.

Ainsi, l'arrêt précité précise que « le propre d'une clause d'échelle mobile [est] de faire varier à la hausse et à la baisse », de sorte que « la clause figurant au bail, écartant toute réciprocité de variation, [fausse] le jeu normal de l'indexation (Cass. 3ème civ., 14 janv. 2016 : RG n°14-24.681).

La Cour de cassation confirme donc la position de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, la clause devant être réputée non écrite en son entier. La Cour de cassation a fondé sa décision sur les dispositions de l'article L. 112-1 alinéa 2 du Code monétaire et financier, lesquelles réputent non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision.

Ainsi, en présence d'une clause d'indexation excluant la réciprocité de la variation du loyer, deux actions s'ouvrent à l'une ou l'autre des parties au bail commercial : d'une part, une action tendant à voir dire non écrite la clause d'indexation, d'autre part, une action en remboursement de l'indexation opérée en vertu d'une telle clause.

La Cour de cassation utilise tout à la fois les termes de clause nulle et de clause réputée non écrite. Or il s'avère que le qualificatif de « nulle » utilisé par la Cour de cassation est inapproprié. Alors que l'action en nullité se prescrit par cinq ans, l'action visant à déclarer non écrite la clause d'indexation n'est soumise à aucune prescription, de sorte qu'elle peut être invoquée, par l'une ou l'autre des parties, à tout moment.

Tel n'est cependant pas le cas de l'action en remboursement de l'indexation opérée en vertu d'une clause d'indexation, laquelle est soumise à la prescription quinquennale. Ce point a récemment été rappelé par la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 20 janvier 2016 (CA Paris, Pôle 5 Ch. 3, 20 janv. 2016 : RG n°13/21626).

En conséquence, il convient de retenir que la jurisprudence admet que l'une ou l'autre des parties peut à tout moment contester la validité de la clause d'échelle mobile, sur le fondement de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier. Aussi, la restitution de loyers indus, dans le cas où la clause se trouve effectivement privée d'effet, se trouve limitée à la période de cinq années, découlant de la prescription civile applicable.