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Les brokers à l’assaut du coworking

Ils ont vu le vent de la disruption souffler à côté de leur pré carré. Ils ont vu les pure players du coworking, boulimiques de mètres carrés, débarquer sur la planète immobilière. Ils ont vu le sacro-saint bail 3/6/9 souffrir mais ne pas mourir. Ils, ce sont les brokers, ces connaisseurs hors pairs de l’offre immobilière qui ont dû innover pour défendre leurs positions. Ils sont aujourd’hui en ordre de bataille pour faire face aux défis (nombreux) de cette nouvelle classe d’actif. Avec quelles armes ?

La Cantine, premier coworking en France, ouvre en 2008 © David Boureau (Apur)

« Une révolution immobilière est en train de gagner la capitale française : celle du coworking » : le broker Knight Frank ne passe pas par quatre chemins dans une étude récente et très fouillée sur cette déferlante mondiale, comparant l’avènement de cette nouvelle classe d’actif à la généralisation des grandes surfaces et de leurs centrales d’achat. « On est en train de passer d’un temps où les bureaux étaient des produits industriels réalisés artisanalement à celui de produits artisanaux conçus industriellement », ajoute le broker décidément très bien documenté. Rien que cela… Plus qu’une tendance de mode, le coworking est devenu une tendance de fond, une niche de marché que les brokers s’arrachent à force d’études et d’enquêtes. Paris est en effet très bien placé sur l’échiquier mondial du coworking, pointant avec une centaine de centres en 3e position derrière New York et Barcelone et devant Londres au classement des mètres carrés dévolus à cette florissante activité.

« Quatorze nouveaux centres de coworking de plus de 1 000 m2 ont été recensés en Île-de-France en 2016 et, en 2017, une forte croissance se confirme », comptabilise BNP Paribas Real Estate. Les pure players du coworking sont même devenus une catégorie d’utilisateurs chouchous, consommant des mètres carrés en quantité non négligeable, s’engageant sur des durées fermes et assis sur des business models solides tant les besoins de flexibilité sont grands.

Plus qu’une tendance de mode, le coworking est devenu une tendance de fond, une niche de marché que les brokers s’arrachent à force d’études et d’enquêtes

Une double clientèle

« Le nombre d’espaces de coworking est passé de 20 en 2012 à 165 à la fin du 1er semestre 2017 – 177 si l’on se projette à la fin 2017 », énumère Arthur Loyd qui s’est également fendu d’une étude sur le sujet. « Côté transactionnel, 2017 accélère encore avec déjà neuf centres de plus de 1 000 m2 traités en ce début d’année et 16 négociations supplémentaires ont été identifiées en Île-de-France, soit un doublement potentiel de l’activité. Ce segment du marché pourrait représenter de 15 à 20 % de la demande placée du QCA à fin 2017 », pointe du doigt Éric Siesse, directeur du pôle bureaux location Île-de-France de BNP Paribas Real Estate. La déferlante n’en est qu’à ses débuts. En 2015, l’Orie (Observatoire régional de l’immobilier d’entreprise) estime que les besoins en espaces de coworking devraient représenter jusqu’à 640 000 m2 en Île-de-France à horizon 2030. Ce chiffre serait sans doute revu à la hausse aujourd’hui.

« Le marché du coworking va continuer à se structurer au cours des prochains mois, et si les grands pure players du coworking vont poursuivre leur développement à l’image de WeWorkSpaces ou encore Nextdoor, les investisseurs, foncières en tête, se positionnent avec le lancement de nouvelles offres opérées en direct. Les ouvertures d’espaces de coworking ne devraient pas représenter plus de 3 % de la demande placée en Île-de-France cette année, pour autant, ce marché demeure un relais de croissance important et il apparaît important pour certains propriétaires de capter pleinement la création de valeur qui sera générée à terme par le coworking », conclut Philippe Leigniel, président d’Arthur Loyd Investissement.

Pure players du coworking et propriétaires immobiliers : les brokers ont encore de beaux jours devant eux. À deux conditions : s’approprier les codes des membres coworkers pour qui l’immobilier est le cadet de leur souci et faire figure de lanceurs d’alertes à l’intention des acteurs immobiliers traditionnels.

« Archipel », le coworking avant l’heure

Avoir raison trop tôt n’est pas toujours signe de réussite dans le monde des affaires. La plupart des études datent de 2005 le premier espace de coworking à San Francisco et de 2008 l’ouverture du premier coworking en France avec La Cantine.

Et pourtant, dès 2001, un professionnel immobilier imagine ce qui s’apparente aux prémices du coworking au travers d’un réseau de bureaux nomades.

En imaginant « Archipel », Philippe Leigniel, alors président de DTZ France, pose les bases d’un vaste réseau de centres tertiaires qui permettait de rapprocher les bureaux des lieux de vie. L’idée est à l’époque motivée par les bouleversements des modes de travail sous l’impulsion des nouvelles technologies. Le smartphone n’est pas encore né, les réseaux sociaux sont encore balbutiants, la qualité de vie au travail est un concept… à inventer, mais déjà se pose la question de l’efficience des immeubles de bureaux vides la plupart de la journée, de la productivité des salariés condamnés à passer des heures dans les transports, des conséquences environnementales du mouvement pendulaire de millions de salariés ou encore de la désertification économique de certaines banlieues devenues de vastes cités-dortoirs. Le projet naît aussi de la défiance des entreprises envers le télétravail et de la crainte des télétravailleurs de voir disparaître toute relations sociales et professionnelles. « Archipel » pose le principe de la création d’un réseau de centres tertiaires décentralisés en Île-de-France, destinés d’abord à accueillir de petites équipes de collaborateurs de grandes entreprises.

« J’avais chiffré un potentiel de 40 à 80 centres tertiaires, totalisant près de 450 000 m2, soit moins de 1 % du parc de bureaux en Île-de-France », expose Philippe Leigniel, aujourd’hui président d’Arthur Loyd Investissement. Modeste, mais visionnaire quand on regarde aujourd’hui le maillage des espaces de coworking en région parisienne.

 

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