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Copropriétés d’habitation bourgeoise vs Airbnb : l’étau s’est resserré en 2017

© Olivier Le Moal / Fotolia

L’année 2017 a réservé une actualité jurisprudentielle particulièrement intéressante sur les rapports entre les copropriétés et les copropriétaires pratiquant une forme de dérive hôtelière avec les trois arrêts visés ci-dessous. Là où presque rien ne protégeait les copropriétés contre des dérives hôtelières menées avec les plates-formes de type Airbnb, l’étau se resserre désormais, et les copropriétaires (ou leurs locataires) indélicats vont devoir être faire attention, pour ne pas être sanctionnés par leur copropriété.

Dans un précédent article du 18 avril 2017 publié sur LinkedIn « Dérives du type Airbnb : la résistance s’organise désormais à Paris dans les copropriétés chics », j'avais attiré l'attention sur un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 15 juin 2016 (no 15-18917) qui considérait que la location meublée de courte durée à des fins touristiques ou d'affaires avec fourniture de services, pouvait constituer une activité commerciale.

Que nous enseignait cet arrêt de la Cour d’appel de Paris ? Celle-ci soulignait qu’à défaut d'autorisation unanime donnée par l'assemblée des copropriétaires, aucun d'eux ne pouvait se livrer de manière habituelle à une location meublée de courte durée à des fins touristiques d'affaires de son /ses lots de copropriété.

Avec une nouvelle décision relative aux pouvoirs du syndicat des copropriétaires en cas de troubles anormaux de voisinage, les copropriétaires d’immeubles à usage d’habitation bourgeoise marquent un 2e but à 0 contre Airbnb.

Après la Cour d'appel de Paris, c'est maintenant la Cour de cassation qui, le 11 mai 2017 (Civ. 3e 11.05.2017, no 16-14339), qui vient de porter un nouveau coup à ce qui relève des dérives hôtelières de certains copropriétaires avec Airbnb, au sein de copropriétés d’immeubles à « destination bourgeoise », ce qui va générer un contentieux abondant en perspective.

Le syndicat des copropriétaires a désormais la faculté d’engager toute action utile contre les copropriétaires sur le simple fondement d'un trouble anormal de voisinage. La jurisprudence autorisait déjà un copropriétaire à assigner le syndicat des copropriétaires pour trouble anormal de voisinage (Civ. 3e 11.05.2000, no 98-18249). Avec cette nouvelle jurisprudence renforcée du 11 mai 2017, le syndicat des copropriétaires peut engager toute action à l'encontre d'un copropriétaire pour trouble anormal de voisinage, sans même à avoir à prouver une faute.

La responsabilité d’un copropriétaire (tant pour ses agissements que ceux de ses locataires) pour trouble anormal de voisinage se caractérise en effet comme une responsabilité objective. Elle peut donc être mise en œuvre indépendamment de toute faute de son auteur (Civ. 3e 13.04.2005, no 02-20575).

Les copropriétaires qui pratiquent une activité quasi professionnelle hôtelière avec Airbnb voient donc progressivement l’étau se resserrer contre eux et ils sont mis de plus en plus sous surveillance de la copropriété et du syndicat des copropriétaires. Les copropriétaires d’immeuble à destination bourgeoise marquent ainsi un 2e but contre les dérives Airbnb.

On pourrait même aller sur un score de 3 buts à 0. En juillet 2017, la Cour de cassation a en effet rappelé la valeur contractuelle (donc contraignante) conférée à un état descriptif de division vis-à-vis des copropriétaires d'une copropriété. (Civ. 3e 6.07.2017, no 16-16849), car cet état descriptif de division est inséré dans le règlement de copropriété.

Les propriétaires de lots qui se livrent à la pratique quasi hôtelière (donc à un usage professionnel du type Airbnb) doivent désormais lire attentivement non seulement le règlement de copropriété de l’immeuble, mais aussi l’état descriptif de division de leur copropriété.

Dans le dossier soumis à la Cour de cassation, l’état descriptif de division décrivait les lots, dans lesquels un copropriétaire voulait exercer une activité professionnelle, comme des « appartements », et le règlement de copropriété visait la possibilité d’une destination mixte entre bureaux commerciaux et habitation.

La Cour de cassation a néanmoins statué sur le fait que « l’état descriptif de division auquel le règlement de copropriété avait conféré une valeur contractuelle, "affectait les lots à destination exclusive d’habitation" dans les étages de l’immeuble et n’était pas "en contradiction avec les stipulations du règlement selon lesquelles l’immeuble était destiné à un usage de bureaux commerciaux ou d’habitation en ce qui concerne les étages et combles". »

La Cour de cassation considère que l’état descriptif de division définissant la destination de chaque lot est en effet plus précis que le règlement de copropriété qui comporte des dispositions générales, sans distinction claire des étages concernés par les différentes affectations autorisées.

La précision de l’état descriptif de division l’emporte ainsi sur la généralité du règlement de copropriété. Il faut donc aujourd’hui se référer à l’état descriptif de division de l’immeuble, « auquel le règlement de copropriété a conféré une valeur contractuelle » pour savoir si un copropriétaire peut ou non affecter le local dont il est propriétaire à un usage professionnel ou commercial de type Airbnb…

Nul doute que les copropriétaires confrontés à une exploitation Airbnb qu’ils trouveront gênante dans leur immeuble vont dans l’avenir s’adonner avec plaisir à la lecture de leur règlement de copropriété et de l’état descriptif de division, sans s’arrêter au côté rébarbatif de la rédaction de ces documents qui était réservée aux seuls juristes spécialisés.

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