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Point de vue de Claude Samson, président d’Afilog

Entrepôts : Pas de querelle entre les anciens et les modernes

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L’événement Lubrizol a eu quelques conséquences fâcheuses sur l’évolution de la réglementation des entrepôts, pour laquelle Afilog œuvre depuis bientôt 20 ans. Des avancées réglementaires esquissées de concert avec la profession ont été stoppées net, tout assouplissement ou relèvement de seuil risquant d’être soupçonné de laxisme par le grand public.

Partant du principe que toujours « à quelque chose malheur est bon », je crois que cet événement est l’occasion de rappeler quelques fondamentaux en matière de construction d’entrepôts et d’apporter un peu de lumière sur les risques réels.

Rien n’est plus différent d’un entrepôt moderne qu’un entrepôt ancien. Les bâtiments conçus après le 5 août 2002, date de l’arrêté ministériel fixant les règles de prévention des sinistres pour la rubrique 1510, font partie des lieux où l’on est le plus protégé. Sprinklage, recoupement des cellules, murs et portes coupe-feu, formation du personnel, distance aux limites de propriété, état des stocks tenu par l’exploitant… rien n’est laissé au hasard.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, en l’espace de 18 ans, la seule surface ayant véritablement brûlé est une cellule de pneus de 6 000 m² près de Valence, due à un départ de feu d’origine criminelle avec une volonté délibérée de mise en échec du système sprinkler. Pour autant, le feu est resté contenu à une seule cellule et n’a pas fait de victimes. Les murs coupe-feu deux heures ont tenu plusieurs jours et étaient toujours debout à la fin des interventions.

Pourtant, dans l’esprit de nombreux concitoyens, les entrepôts brûlent massivement ! La science statistique n’aide pas, faute de définition précise. La base Aria (Analyse, recherche et information sur les accidents) tenue par le Bureau d’analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) du ministère recense les incidents portant atteinte à la santé, à la sécurité publique ou à l’environnement ; sachant qu’il peut s’agir d’usines, ateliers, dépôts, chantiers, carrières, élevages ou d’infrastructures de transports.

Nombre d’incidents cités dans la base Aria et dans l’exposé des motifs des textes qui passent devant le CSPRT semblent concerner des entrepôts. Or, une analyse plus fine montre que la quasi-totalité de ces incidents, à l’exception du cas Allopneus cité plus haut, est le fait de bâtiments anciens, annexés à une activité productive ou commerciale, souvent sans classement ICPE, bénéficiant de mesure d’antériorité jamais mises à jour, voire de bâtiments non connus de l’administration ! Mais comme le cliché de l’entrepôt qui brûle a la peau dure, les couches réglementaires continuent à se superposer… et à peser surtout sur les bâtiments récents.  

Il est certes plus facile de durcir la réglementation sur les bâtiments connus, recensés, sur lesquels l’administration a des fonds de dossiers solides. De même qu’il est plus facile de chercher un objet perdu là où il y a de la lumière ! Il est nettement moins aisé de passer au peigne fin l’ensemble du parc ancien, de diligenter des inspections régulières, de remettre à plat des régimes d’antériorité en préconisant des améliorations. Fermer des sites est toujours pour un préfet un choix cornélien entre sécurité des populations et emploi… des mêmes populations.

Et pourtant, si Lubrizol peut être une chance d’améliorer la sécurité de tous, c’est en apportant la démonstration que l’effort de réglementation, de contrôle, d’inspection et de suivi doit être ciblé surtout sur le parc « vintage » ! Il ne s’agit pas d’opposer les anciens et les modernes, mais de porter un regard plus pertinent sur chaque type d’actifs et d’adapter l’intervention publique. Si le lecteur veut bien me permettre une comparaison routière, que penserait-on d’augmenter la difficulté d’obtenir son permis de conduire à cause de quelques automobilistes roulant sans permis ?

Cerise sur le gâteau d’un meilleur suivi du parc ancien : il pourrait aider à créer des opportunités de renouvellement de sites pour répondre à la demande – croissante – des utilisateurs friands d’entrepôts modernes !  

Mots-clés : LUBRIZOL FRANCE, Afilog, Aria
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