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Jean-Marc Jestin, Klépierre

La fermeture prolongée des centres commerciaux est un non-sens sanitaire, social et économique

© Redzen/AdobeStock

C’est un véritable coup de grâce pour le commerce que la fermeture des surfaces de plus de 10 000 m² annoncée jeudi dernier par le gouvernement. Cela fait à présent plus d’un mois que les centres commerciaux (initialement de plus de 20 000 m²) sont fermés en France. Et avec eux 30 000 commerces.

Cette mesure qui, fin janvier, a été présentée comme la solution pour endiguer la crise sanitaire ne montre pas d’effets positifs sur les contaminations. Pour cause, ce n’est pas là que le virus prospère ! Les grands centres commerciaux sont des lieux sûrs, où les jauges sont respectées scrupuleusement, les visiteurs et les salariés masqués, les attroupements dispersés et les files d’attente maîtrisées. Ce sont des lieux extrêmement contrôlés, certifiés par des organismes tiers, inspectés par les autorités, équipés de systèmes de comptage des visiteurs en temps réel, où l’air est renouvelé en permanence et les surfaces fréquemment désinfectées. Les visiteurs s’y montrent disciplinés ; les vidéos qui ont circulé avant Noël de quelques cas isolés ont permis de rectifier les protocoles et d’adapter les personnels dans ces lieux. La sécurité de nos visiteurs et de nos commerçants est notre priorité absolue. C’est aussi notre expertise.

Ces fermetures qui se poursuivent sont surtout une mesure inique, inégalitaire et sans fondement scientifique. Rien ne prouve en effet qu’on soit plus à risque dans une allée de centre commercial que dans une rue commerçante. Au contraire, les gestes barrière sont davantage respectés dans les centres commerciaux qu’en ville car nous avons les moyens de les y faire appliquer et nous le faisons. La présence d’un toit ne change rien dès lors que nous renouvelons l’air en continu avec un apport d’air extérieur à 100 % depuis le début de l’épidémie. En un an, aucun cluster n’a d’ailleurs été identifié dans un centre commercial.

Il n’y a pas plus de « brassages » de population lorsque les centres sont ouverts. D’abord parce que la quasi-totalité de nos clients habitent à moins de 20 minutes des centres. Mais surtout parce qu’il faut bien qu’ils aillent faire leurs achats et se détendre quelque part. Nos clients se reportent donc vers des magasins ou des centres de taille moyenne, provoquant des concentrations humaines et des files d’attente. Il suffit de voir les images des rues de centre-ville bondées ces dernières semaines pour s’en convaincre.

Ces fermetures pèsent sur les territoires et rétrécissent encore la vie sociale de leurs habitants. Loin de l’image qu’on peut en avoir depuis Paris, les centres commerciaux sont des lieux d’échanges et de vie. Des centaines de milliers de Français sont ainsi privés de l’une des dernières options de sociabilisation qui leur restaient autour de chez eux alors qu’ils n’ont déjà plus le loisir d’aller au restaurant, au cinéma, au théâtre, au concert ou au musée.

Ces fermetures sont une condamnation économique pour des milliers d’entrepreneurs, d’enseignes, de commerçants et leurs employés. Et elles nous plongent également nous, exploitants, dans une situation de plus en plus critique alors même que nous maintenons une alternative aux géants du e-commerce, qui ne sont pour la plupart ni français ni européens. Nous représentons un secteur économique générateur d’impôts et de valeur, d’envergure européenne. Nous créons et maintenons des emplois et nous alimentons des écosystèmes économiques locaux.

Mais nous ne sommes pas invincibles.

Nos choix et notre robustesse nous ont permis de faire face à la crise, avec un recours limité aux deniers publics (1 M€ au total pour 1,1 Md€ de chiffre d’affaires). Mais en ajoutant les pertes de loyers à la baisse de valeur de notre patrimoine, nous avons enregistré en 2020 une perte de 800 M€. Car ce sont nos commerçants que nous avons choisi de préserver, en particulier les petites enseignes indépendantes, en leur consentant dans le cadre du dialogue de long terme entretenu avec chacun d’eux, des abattements ou des annulations de loyers.

Face à une crise qui dure et malgré la robustesse dont nous avons su faire preuve jusqu’ici, nous sommes aujourd’hui inquiets : inquiets de la perspective de faillites en masse des commerçants ; inquiets de constater que rien n’est prévu pour rouvrir les centres aujourd’hui fermés, pendant que les acteurs du e-commerce, notamment Amazon, enchaînent les records ; inquiets de constater que le gouvernement n’a pas encore mis en place les procédures de prise en charge des loyers promises aux commerces et boutiques fermés. Le gouvernement doit soutenir ses champions français et leurs écosystèmes, tous fragilisés par ces vagues successives de restrictions sanitaires.

C’est pourquoi nous demandons au gouvernement de rouvrir rapidement les centres commerciaux et les grands magasins comme les autres commerces.

Même si les protocoles sanitaires en vigueur dans nos centres sont parmi les plus élaborés au monde, comme l’atteste la certification obtenue d’organismes reconnus, tiers et indépendants, nous sommes convaincus qu’ils peuvent encore être renforcés ou adaptés si nécessaire, évitant ainsi une fermeture prolongée dont la justification scientifique n’est pas démontrée et dont les conséquences sur l’emploi seront considérables. Comme tout au long de cette crise, nous montrerons ensemble que nous sommes des acteurs responsables de la société et de l’économie, soucieux du bien collectif.