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Point de vue de Jérôme Le Grelle, CBRE France

Vers une nouvelle segmentation du marché de l’immobilier commercial

ReTuna Aterbruksgalleria à Stockholm: centre commercial de produits d’occasion © Retuna

Des décennies de mass market nous ont habitués à voir partout les mêmes centres commerciaux, les mêmes parcs d’activités commerciales, les mêmes rues commerçantes. L’histoire conflictuelle de l’urbanisme commercial continue de nourrir une opposition réductrice du centre-ville à la périphérie. L’internet fait naître une nouvelle rivalité, entre e-commerce et brick and mortar. Enfin, en période de doute, les investisseurs tendent à se rassurer par des analyses de type prime / non prime.

Globalisantes et binaires, ces logiques masquent l’apparition d’une nouvelle segmentation de l’immobilier commercial.

Elle est portée par une recherche générale de différenciation, de personnalisation.

Les technologies de l’information permettent de cibler chaque consommateur de manière individuelle. Les enseignes multiplient les formats de magasin pour se placer sur des flux qualifiés de clientèle ; elles sont lancées dans une course au service de plus en plus personnalisé. Inversement, l’hypermarché, symbole de la consommation de masse, a du plomb dans l’aile. Les gares et les aéroports structurent des offres commerciales spécifiques pour leurs voyageurs. Les villes rêvent toutes d’attirer des offres inédites de commerce et de services. Les aménageurs soumettent les opérateurs immobiliers à des compétitions de haut vol pour choisir le projet le plus différenciant. Etc.

Finalement, la logique de différenciation sera peut-être la rupture la plus nette entre le commerce d’hier et celui d’aujourd’hui.

La dernière étude de l’ObSoCo donne matière à réfléchir. Elle montre une baisse de fréquentation des lieux de commerces, tous types confondus. La concurrence de l’e-commerce n’apparaît pas clairement, la désaffection étant plutôt le fait de clients ayant perdu soit du pouvoir d’achat, soit du goût pour ces lieux. Ceux-là sont les visiteurs occasionnels, qui espacent leurs visites, tandis que les clients fidèles conservent leurs habitudes.

Forts de ce constat, les auteurs de l’étude conseillent de mieux typer les lieux de commerce. De renoncer à servir tout le monde pour mieux servir un cœur de cible, en jouant non seulement sur les aspects utilitaires et fonctionnels de l’offre qui sont les points forts de l’e-commerce, mais aussi sur la dimension symbolique portée par l’architecture, l’ambiance, le service, l’inscription dans le territoire, des valeurs revendiquées…

Dans l’absolu, ces idées ne sont pas franchement révolutionnaires. Elles renvoient très directement à la notion de positionnement.

Ce qui est nouveau, c’est l’idée que des initiatives encore isolées pourraient faire masse pour conduire à un changement complet de modèle.

Profils socio-économiques de clients, profils d’enseignes, offre servicielle ou expérientielle, légitimité territoriale ou communautaire, responsabilité sociale et environnementale… autant d’axes qui pourront, demain, fonder le positionnement de lieux de commerce de plus en plus nombreux, et ainsi structurer de manière plus féconde, plus dynamique notre vision de l’appareil commercial.

Une bonne stratégie d’investissement en immobilier commercial passera toujours par des analyses de commercialité, de concurrence, de potentiel de marché. Mais pour aller chercher toute la valeur possible d’un actif, il est temps d’intégrer une vision du marché qui commence à se segmenter selon une logique profondément nouvelle.

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