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Point de vue de Tristan Ruiz, Adéquation

Éviter les dégâts collatéraux des ventes HLM dans les villes moyennes

© ACLD / Adobe Stock

Chaque année, les bailleurs sociaux devront vendre 40 000 logements pour atteindre l’objectif que leur fixe la loi Élan de céder 1 % de leur patrimoine.

Rappelons que ces ventes visent notamment à procurer des fonds propres aux organismes HLM, à l’heure où l’État souhaite réduire sa contribution au financement du logement social. Économiquement, le raisonnement trouve sa justification dans l’effet de levier de l’emprunt, puisque la vente d’un logement génère suffisamment de fonds propres pour autoriser des prêts finançant deux à trois logements neufs.

Il reste que 40 000 logements sont une quantité non négligeable puisque cinq fois supérieure aux 8000 ventes annuelles observées habituellement (même si elle reste très modeste eu égard aux besoins en fonds propres, de l’ordre du tiers de ce qui serait nécessaire).

La recherche d’une efficience économique accrue

Ces ventes devront par ailleurs s’inscrire dans des stratégies d’efficience économique accrue. C’est le sens général de la loi Élan, qui impose aussi, pour cette raison, le regroupement des structures, plus précisément l’adossement à un groupe de tout organisme gérant moins de 12 000 logements.

Dans ces conditions, tout porte à penser que les bailleurs choisiront de se défaire en priorité des logements les plus coûteux en termes de gestion, c’est-à-dire des logements isolés, loin des sièges sociaux des organismes, générant des coûts élevés d’intervention sur le terrain (gardiennage, maintenance…). La vente très rémunératrice de biens à forte valeur patrimoniale devrait rester l’exception.

Ils ne feront en cela qu’accélérer une tendance déjà observable depuis plusieurs années : jusqu’à la crise de 2008,  des politiques de développement souvent opportunistes avaient conduit les bailleurs à éparpiller leur parc dans des zones peu denses. La décennie 2010 est au contraire marquée par un retour à plus de compacité et à la structuration d’unités territoriales de gestion plus rationnelles.

Ainsi, les zones rurales et les villes moyennes devraient être les premières concernées par les ventes de logements sociaux, les fonds propres générés étant employés à construire des logements sociaux neufs là où la demande est forte, dans les grandes villes, mais aussi sur le littoral méditerranéen.

Des ventes lourdes de conséquences pour les villes moyennes

Le désengagement des organismes de logement social de ces secteurs, où la demande existe bel et bien, devrait avoir des conséquences plus profondes pour le dynamisme des villes moyennes, alors même, paradoxalement, que ces dernières font l’objet de l’ambitieux plan Action Cœur de Ville.

En effet, les bailleurs sociaux sont des partenaires essentiels des villes moyennes qui comptent sur leurs investissements pour déclencher des programmes immobiliers neufs, souvent en association avec des promoteurs immobiliers.  Or ces derniers ne viendront pas seuls et les projets ne se feront tout simplement pas. On risque aussi de ne conserver sur ces territoires que les bailleurs dépendants des collectivités (SEM, OPH), qui ne sont pas forcément les plus dynamiques et se retrouveront sans concurrence stimulante.

L’obligation faite aux bailleurs de céder 1 % de leur parc chaque année se répercute donc indirectement sur la production de logements neufs dans des secteurs où elle est déjà difficile.

Rester présents autrement

Ce scénario pessimiste suppose que les bailleurs se contentent de vendre leurs logements, se désengageant de fait de ces territoires. Mais rien ne leur interdit, bien au contraire, d’y rester en déployant des solutions innovantes, cohérentes avec l’objectif d’efficience économique, avec leur vocation de production de logements à prix modérés et, enfin, avec cette autre intention de la loi ELAN qui est de les encourager à diversifier leurs sources de revenus.

Trois pistes au moins s’offrent à eux :

  • La production de logements sociaux dans l’ancien (dans certaines conditions favorables)
  • La production de logements abordables
  • Le démembrement de propriété, en cédant le bâti mais en conservant le terrain : ils pourront alors céder des logements à des prix très compétitifs tout en conservant une rente foncière à peu de frais.
  • Tristan Ruiz

    Directeur commercial délégué - Directeur de marché bailleurs sociaux, OFS - Adequation - Agence de Montpellier

    Auteur(e) de 3 articles