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Point de vue de Jérôme Le Grelle, CBRE

Loi Élan – Entre stratégie constructive et statu quo défensif : aux villes de choisir

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Quelques articles de la loi Élan concernent l’urbanisme commercial. Il y a de bonnes choses, et de moins bonnes. Beaucoup dépendra de la manière, constructive ou défensive, dont les élus se saisiront des opportunités offertes par la loi.

Commençons par ce retour au bon sens consistant à soumettre à nouveau les demandes d’exploitation commerciale à une analyse… commerciale. Retour, donc, des représentants des chambres consulaires dans les commissions, arrivée de représentants du commerce de centre-ville, à titre consultatif seulement. Retour aussi de critères économiques dans les études d’impact, qui nous promet d’intéressants débats techniques sur lesquels nous aurons certainement l’occasion de revenir.

Des stratégies globales, enfin !

L’apport principal du texte réside dans l’incitation à inscrire le commerce, au même titre que le logement, le développement économique ou touristique, le tissu urbain, l’accessibilité, etc. dans des stratégies globales, à une échelle pertinente qui celle de l’intercommunalité ou du centre-ville. Cette idée que nous défendons depuis longtemps est désormais bien partagée, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Les outils à leur disposition, DAAC et ORT, exigent une vision du commerce à la fois intercommunale, concertée, lisible par tous les partenaires publics et privés et, espérons-le, pérenne, toutes choses indiscutablement essentielles.

Stigmatiser la périphérie, encore !

Dans le détail, la loi reprend à son compte la stigmatisation du commerce de périphérie qui prévaut depuis 45 ans sans grands résultats, par exemple en instaurant de possibles moratoires de l’instruction des demandes d’AEC.

Cette logique restrictive oublie de considérer que les zones commerciales périphériques font partie du service rendu à la population, qu’elles souffrent aussi du déclin économique et démographique des villes moyennes et que freiner leur modernisation conduira non pas à leur disparition mais à leur lente agonie, freinant l’amélioration du cadre de vie périurbain.

Friches : pas si simple…

La loi Élan, par ailleurs, s’attaque aux friches commerciales. Là encore, on cherche à “faire payer” à la grande distribution les dérèglements qu’on croit devoir lui imputer, par des moyens qui méconnaissent le fonctionnement du commerce.

1. Obligation est faite au propriétaire, dans les trois ans suivant la cessation d’activité, de démanteler les installations et remettre en état le terrain, ou de les transformer transformation en vue d'une autre activité.

C’est ignorer que le maintien d’une activité commerciale, même très faiblement rentable, coûtera toujours moins cher que la fermeture d’un site et a fortiori que sa remise en état devenue obligatoire.  

2. Le demandeur d'une AEC doit démontrer qu'aucune friche existante en centre-ville et à défaut en périphérie ne “permet l'accueil du projet envisagé”.

Mais son “projet envisagé” consiste avant tout à se mettre au meilleur emplacement possible, avant ses concurrents, si bien qu’aucune friche moins bien placée ne saurait valablement “l’accueillir”. C’est d’autant plus vrai s’il s’agit d’une friche commerciale, qui a par définition perdu sa commercialité.

La portée de ces deux mesures sera donc probablement faible : les sites en fin de vie continueront à se paupériser tandis que les friches existantes resteront durablement vacantes.

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Heureusement, au lieu de raisonner comme s’il fallait empêcher la périphérie de se renouveler pour laisser les centres-villes renaître, rien n’empêche les villes de rechercher des partenariats constructifs entre l’ensemble des acteurs du territoire, grande distribution comprise, articulant centre-ville et périurbain dans une même stratégie de renouvellement urbain équilibré.

Mots-clés : Loi Elan, DAAC, ORT, AEC